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La Cour de cassation a eu à se prononcer sur les conditions d’exécution d’un préavis de rupture de relations commerciales établies particulièrement étendu, accordé par l’auteur de la rupture à son partenaire commercial de longue date.

La décision qu’elle a rendue le 19 mars 2025 est fondée sur l’ancien article L442-6, I, du Code de commerce, devenu l’article L442-1, II, de ce Code, avant l’instauration du plafond légal du préavis devant être accordé en cas de rupture d’une relation commerciale établie, fixé à 18 mois.

La société Décathlon et la société Sports Elect étaient liées depuis 23 années par une relation commerciale établie portant sur la distribution par la société Décathlon des appareils d’électrostimulation fabriqués par la société Sports Elect. Le 26 janvier 2018, la société Decathlon a adressé une lettre à la société Sports Elect lui notifiant la fin de leurs relations commerciales à effet du 1er janvier 2021, accordant ainsi un préavis de trois ans à son partenaire commercial. Par cette lettre, la société Décathlon informait, en outre, la société Sports Elect d’une baisse progressive du montant annuel de ses achats sur les trois années du préavis accordé avant l’arrêt total et définitif de la relation fixé au 1er janvier 2021.

Analysant cette baisse progressive de chiffre d’affaires comme une violation du préavis, dont l’exécution doit être effective et implique que les conditions commerciales antérieures, notamment en terme de volumes de commandes, soient maintenues pendant toute sa durée, la société Sports Elect a assigné la société Decathlon en rupture brutale des relations commerciales établies.

La Cour de cassation a validé la position de la Cour d’appel de Paris : la durée du préavis devait être, en l’espèce, de 10 mois au vu des caractéristiques de la relation (durée, absence d’exclusivité, absence d’investissements spécifiques, part de chiffre d’affaires non excessive) et des usages de la profession et l’exigence d’une exécution effective du préavis avec maintien du volume d chiffre d’affaires ne devait s’appliquer que sur cette durée de 10 mois.

Ainsi, selon la Cour, l’absence de modification substantielle des conditions commerciales antérieures devait être observée seulement pendant le délai de 10 mois, libre ensuite à la société Decathlon de réduire de façon progressive le volume de ses achats auprès de la société Sport Elect sur la durée restante du préavis accordé. Selon la Cour, une telle baisse ne constitue pas une modification substantielle des conditions commerciales antérieures sanctionnable au titre d’un préavis non exécuté ou insuffisant dans la mesure où elle est intervenue durant le surplus de préavis accordé.

La Cour de cassation a suivi la Cour d’appel en ce qu’elle a considéré que la durée particulièrement longue du préavis laissé par la société Decathlon à son partenaire constituait « une circonstance particulière » justifiant que le préavis puisse ne pas être exécuté conformément aux conditions commerciales antérieures au-delà de la première année.

Par cette décision la Cour de cassation a montré une certaine souplesse, en validant la position de la Cour d’appel.

Il est légitime de s’interroger sur la décision que rendrait la Cour de cassation dans cette affaire sous l’empire du nouvel article L442-1 du Code de commerce qui prévoit désormais une durée maximale de préavis de 18 mois en matière de rupture d’une relation commerciale établie. La souplesse dont la Cour de cassation a fait preuve dans l’arrêt rendu le 19 mars 2025 a peut-être été motivée par la durée particulièrement longue du préavis accordé, circonstance rare en matière de rupture brutale de relation commerciale établie, et cette décision anticipait peut-être implicitement les conséquences de la limitation légale à venir de la durée du préavis à 18 mois.

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