L’appréciation du dommage imminent en droit des sociétés et pouvoirs du juge des référés

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé la qualification de dommage imminent dans une procédure de référé relative au report de la résolution d’une assemblée générale extraordinaire sur le rachat des parts d’un associé à la suite de son exclusion[1].

En l’espèce, l’associé d’une société civile immobilière avait été exclu de la société par une décision de l’assemblée générale extraordinaire. Une seconde assemblée fut convoquée. Elle se prononça sur le rachat des parts sociales de l’associé exclu et leur annulation subséquente.

Ledit associé demande en référé que l’application de la résolution portant sur le rachat et l’annulation subséquente de ses parts sociales soit reportée à l’issue de l’action qu’il avait engagée en vue de faire annuler la procédure d’exclusion décidée lors de la première assemblée générale.

Le juge des référés constatant que l’associé ne démontrait pas l’existence d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent, ne donna pas suite à la demande. L’associé interjeta alors appel.

La Cour d’Appel rendit un arrêt confirmatif à la décision du juge des référés.

Un pourvoi en cassation est alors formé par l’associé exclu.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel. Elle argue que pour écarter l’existence d’un dommage imminent et rejeter la demande, la Cour d’Appel a retenu que la procédure d’exclusion avait été respectée, notamment du fait de la lecture du procès-verbal de la première assemblée générale démontrant qu’il avait été demandé à l’associé de s’exprimer par son vote.

Elle retient aussi que la convocation à la seconde assemblée générale répondait à la procédure statutaire de fixation de la valeur des parts sociales à racheter.

De ce fait, la Cour d’Appel a énoncé des motifs impropres à exclure l’existence d’un dommage imminent. Les juges de la Cour de cassation énoncent que la Cour d’Appel a violé l’article 835, alinéa 1 du Code de procédure civile[2].

La Cour de cassation considère donc que, la perte des parts de l’associé exclu du fait de leur annulation, empêchant toute remise des parties dans l’état ou elles se trouvaient avant la décision d’exclusion si celle-ci était annulée, pouvait revêtir la qualification de dommage imminent.

Il est important de rappeler que le juge des référés peut reporter une assemblée générale qui est de nature à causer un dommage imminent à la société. Nonobstant, il ne peut annuler les délibérations d’une assemblée générale ; il peut seulement en suspendre les effets[3] .


[1] Cass. Com. 29/05/2024 n°22-21.503

[2] CPC, Art. 835, Al. 1er

[3] Cass. com. 13/01/2021 n°18-25.713