L’auteur d’une œuvre composite peut agir seul en contrefaçon
CA Aix-en-Provence, Ch. 2, 5 juillet 2018
La question de la recevabilité de l’action d’un auteur d’une œuvre de collaboration a fait l’objet de nombreuses décisions. Sauf très rares exceptions, la mise en cause des co-auteurs est devenue la règle.
En revanche, il existe peu de décisions relatives à la recevabilité à agir de l’auteur d’une œuvre composite. Dans cette affaire, la Cour valide la recevabilité de l’action en contrefaçon du titulaire des droits sur une œuvre composite en l’absence de mise en cause de l’auteur de l’œuvre première.
En l’espèce, une société de création et de fabrication de vêtements avait assigné en contrefaçon de droit d’auteur et en concurrence déloyale un concurrent qui offrait à la vente sur internet, un modèle de tee-shirt dont elle revendiquait la création. Il s’agissait d’un tee-shirt appelé « Modèle Coluche ».sur lequel était reproduite la photographie du visage de l’artiste Coluche, affublé d’une main dont le majeur, apposé au-dessus de la lèvre supérieure, comportait une moustache tatouée.
Tant en première instance qu’en appel, le défendeur devenu appelant invoquait l’irrecevabilité à agir de la société, en l’absence de mise en cause des autres co-auteurs du modèle. Le défendeur soutenait que le photomontage reproduit sur le tee-shirt litigieux avait été réalisé à partir d’une photographie préexistante de l’artiste, sur laquelle avait été montée une photographie de la main et de l’index tatoué.
Par conséquent, selon l’intimé, l’action en contrefaçon intentée par la seule société, cessionnaire des droits de l’auteur du photomontage, était irrecevable à défaut de mise en cause de l’autre co-auteur, à savoir l’auteur de la photographie préexistante sur laquelle avait été apposé le photomontage. Le défendeur invoquait en outre le fait que la société avait été assignée en contrefaçon par l’auteur de cette photographie préexistante.
La société revendiquait la qualification d’œuvre composite, le photographe de l’artiste ayant uniquement réalisé la photographie de Coluche et n’ayant en aucun cas participé à la création du tee-shirt. En cette qualité, elle soutenir avoir qualité à agir en contrefaçon.
La Cour retient la qualification d’œuvre composite et ce alors que l’accord de l’auteur de l’œuvre première était contesté par le défendeur. Cette décision s’inscrit dans le courant d’une jurisprudence ancienne selon laquelle seul l’auteur de l’œuvre première peut se prévaloir que son accord n’a pas été sollicité.
Au visa de l’article L.113-4 du CPI, la Cour juge qu’il s’agit d’une œuvre nouvelle, à laquelle a été incorporée l’œuvre préexistante du photographe, sans la collaboration de ce dernier, de sorte qu’étant l’auteur de cette œuvre la société avait qualité pour agir en contrefaçon, sans que l’autorisation de l’auteur de l’œuvre première soit nécessaire.