Le Conseil d’Etat valide les barèmes de la rémunération pour copie privée

Conseil d’Etat, 19 novembre 2014

Par deux arrêts du 19 novembre 2014, le Conseil d’Etat a validé les barèmes actuels de la rémunération pour copie privée.

Pour rappel, les barèmes de la rémunération prévue pour la compensation de l’exception pour copie privée sont fixés par les décisions de la « Commission copie privée », formée par un collège regroupant les représentants des ayants-droit, des fabricants ou importateurs de matériel soumis à la rémunération pour copie privée et des consommateurs. Le versement de cette rémunération est à la charge des fabricants ou importateurs dudit matériel, le consommateur final supportant le paiement de la rémunération intégrée au prix de vente.

Les barèmes actuellement en vigueur sont fixés par la décision n°15 de la commission du 14 décembre 2012, remplaçant les décisions antérieures, notamment la décision n°14 du 9 février 2012. Ce sont précisément ces deux décisions qui faisaient l’objet de recours en annulation pour excès de pouvoir initiés par des fabricants et importateurs de matériel et/ou leurs syndicats.

Les décisions de la commission étaient attaquées sur de nombreux griefs, que le Conseil d’Etat rejette en l’espèce avec une certaine pédagogie. Notamment, la juridiction administrative rappelle que la rémunération pour copie privée n’est pas un prélèvement de nature fiscale, mais une rémunération en compensation à l’exception au droit exclusif des ayants droit d’autoriser la reproduction. Elle rejette également tous les griefs formés sur le montant de la rémunération pour copie privée : si elle est encadrée par la directive 2001/29 du 22 mai 2001, les Etats membres ne conservent pas moins une marge d’appréciation dans la détermination du préjudice fondant la rémunération de l’exception.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat affirme que la composition du collège de la commission, pourtant imparfaite puisque les industriels avaient démissionné ensemble quelques jours auparavant et n’avaient pas pris part au vote, n’entachait pas d’irrégularité le vote des barèmes. Ceux-ci venaient en effet à expiration le 31 décembre 2012 et le maintien du système de rémunération de la copie privée, obligatoire au sens de la directive 2001/29, justifiait de valider les barèmes fixés par la commission même imparfaitement composée.

C’est aussi sur la question des supports assujettis à la rémunération que les arrêts apportent une clarification.

L’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne le 21 octobre 2010, dit Padawan, avait jugé que « l’application sans distinction de la redevance pour copie privée, notamment à l’égard d’équipements, d’appareils ainsi que de supports de reproduction numérique non mis à la disposition d’utilisateurs privés et manifestement réservés à des usages autres que la réalisation de copies à usage privé, ne s’avère pas conforme à la directive 2001/29 ». Les « autres » usages ainsi visés par la Cour font référence à l’usage professionnel, éventuellement collectif, des matériels permettant la copie. Il n’était donc pas conforme à la directive 2001/29 de soumettre à la redevance des supports à vocation exclusivement professionnelle. Un support à usage professionnel doit donc pouvoir faire l’objet d’une exemption a priori, ou remboursement a posteriori, ce que prévoit la législation française.

Mais cela ne revient pas à dire que tout support acquis par un professionnel bénéficie d’une présomption de destination à l’usage professionnel, qui justifierait que ces supports soient exonérés d’office et avant toute perception. Le Conseil d’Etat le rappelle en affirmant que l’interprétation de l’arrêt Padawan « n’exclut pas du champ de la rémunération pour copie privée l’ensemble des matériels à usage professionnel ».

C’est même le postulat inverse qui sous-tend l’assujettissement d’un matériel de copie à la rémunération puisque seuls sont exclus les supports « acquis notamment à des fins professionnelles et dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée ». Il revient donc à l’acquéreur professionnel d’un matériel permettant la copie d’œuvres de prouver par tout moyen qu’il ne le destine pas à un usage privé ou que celui-ci n’est effectivement pas utilisé dans des conditions permettant la copie à des fins privées.

Pour rappel, cette preuve est aménagée en pratique depuis le 1er avril 21014, par l’entrée en vigueur du décret du 10 décembre 2013 relatif à l’information des acquéreurs de supports d’enregistrement soumis à la rémunération pour copie privée, et de l’arrêté du 24 janvier 2014 pris en son application. Ainsi pour les professionnels, le remboursement de la rémunération pour copie privée est conditionné, outre les documents justificatifs tels que la facture, par la transmission d’une déclaration sur l’honneur « précisant l’usage professionnel qui va être fait du support acquis ».

Loïc FOUQUET

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