Le cybersquatting lié au nom d’un département
Cour de cassation, arrêt du 5 juin 2019
Par un arrêt du 5 juin 2019, la Cour de cassation a rendu un arrêt de principe favorable au département de Saône-et-Loire dans le cadre d’une action qui l’opposait à un bureau d’enregistrement de noms de domaine sur internet, qui exerce également des activités de géoréférencement de sites en France.
En l’espèce, la société était titulaire depuis 2004 des noms de domaine liés au nom du département, en l’occurrence « saoneetloire.fr » et « saone-et-loire.fr ». Lors de la période de réservation prioritaire qui lui a été accordée en 2012 pour enregistrer un équivalent à ces noms de domaine, la société a enregistré un troisième nom de domaine : « saône-et-loire.fr ».
Le département a contesté l’attribution de ces noms de domaine à la société et a demandé leur transfert à son profit. Dans le cadre de cette procédure, le département s’est prévalu d’une marque semi-figurative française préexistante « Saône-et-Loire le département ».
A la suite de la procédure de résolution des litiges, deux situations sont à distinguer. Dans un premier temps, l’Afnic a refusé le transfert des premiers noms de domaine au motif que la société avait un intérêt légitime et que sa mauvaise foi n’était pas démontrée. En effet, le site vers lequel renvoyait chacun de ces noms de domaine était exploité pour une offre de services ne relevant pas des compétences des conseils généraux et indiquait qu’il n’était pas le site officiel du département.
En revanche la demande concernant le dernier nom de domaine enregistré a été accueillie favorablement au motif que ce nom de domaine était susceptible de porter atteinte aux droits du département sur sa marque française antérieure. Par ailleurs, la mauvaise foi du titulaire a été retenue car il avait été réservé après l’enregistrement de la marque du département et que le site Internet vers lequel il renvoyait proposait une offre de services dans les mêmes secteurs que ceux protégés par la marque, en l’espèce des services de diffusion d’annonces publicitaires.
C’est au regard de cette décision que le bureau d’enregistrement a formé un recours en vue de faire annuler le transfert du nom de domaine au département.
Par son arrêt du 14 mars 2017, la Cour d’appel de Versailles a ordonné le transfert non pas d’un, mais des trois noms de domaine au profit du département de Saône-et-Loire. Les juges du fond ont fondé leur décision sur le fait que, d’une part, la contrefaçon de marque était caractérisée et, d’autre part, que le bureau d’enregistrement ne démontrait pas d’intérêt légitime car il n’exploite pas les noms de domaine « pour une offre de services en lien avec le territoire de Saône-et-Loire ».
La société a alors formé un pourvoi qui a été rejeté par l’arrêt de la Cour de cassation. Après avoir constaté un risque de confusion dans l’esprit du public, la haute juridiction a considéré que la société ne démontre pas une exploitation des noms de domaine comportant le nom d’une collectivité territoriale afin d’offrir des services en rapport avec ce territoire. Au regard de ces éléments, le titulaire ne justifie pas d’un « intérêt légitime ».
Il est intéressant de noter qu’en reprochant aux dépôts effectués d’entretenir une confusion entre un site légitime du département et un site marchand, la Cour d’appel a posé un arrêt de principe. En effet, cette jurisprudence pourra être invoquée par tout département qui serait victime de cybersquatting.
Judith Ayache