CA Paris, Pôle 5 Ch. 1, 14 décembre 2011, Wizzgo / Metropole Television et autres
La Cour d’appel de Paris a rendu, le 14 décembre 2011, un arrêt dans le litige opposant la société Wizzgo au groupe Métropole Télévision.
Pour rappel, la société Wizzgo, aujourd’hui en liquidation judiciaire, avait lancé en mai 2008 un service gratuit de magnétoscope numérique en ligne permettant le téléchargement sur un ordinateur de programmes des chaînes nationales de TNT sans l’autorisation de ces chaînes.
En août 2008, les sociétés du groupe Métropole Télévision ont obtenu l’interdiction sous astreinte de l’utilisation des programmes leur appartenant par la société Wizzgo.
C’est dans ces circonstances que Wizzgo a assigné les sociétés du groupe M6 afin de se voir indemnisée du préjudice subi suite aux mesures d’interdictions prononcées à son encontre. Le tribunal, dans un jugement du 25 novembre 2008 (Netcom février 2009), n’a pas fait droit à ces demandes donnant ainsi lieu à un appel de la demanderesse, objet de l’arrêt ici commenté.
La société Wizzgo indiquait que le service faisait intervenir deux exceptions au monopole du droit d’auteur et des droits voisins : la copie transitoire et la copie privée.
L’enregistrement de l’émission est généré par le clic de l’utilisateur. Cet enregistrement est stocké au sein de la plateforme Wizzgo aux fins de permettre à l’utilisateur de le télécharger sur son propre ordinateur.
Ainsi, l’utilisateur réaliserait une copie privée, en ce qu’il serait à l’origine de la copie et son utilisateur final tandis que la société réaliserait une copie transitoire dans la mesure où elle est «
partie intégrante et essentielle d’un procédé technique » et «
qu’elle a pour unique objet de permettre la transmission de l’œuvre par la voie d’un réseau faisant appel à un intermédiaire et qu’elle est dénuée, enfin, de valeur économique propre puisque cryptée et inexploitable et ce, même si elle s’inscrit dans une activité économique financée par les recettes publicitaires ».
Selon Wizzgo, la copie transitoire disparaîtrait au bénéfice de la copie privée par l’acte de téléchargement de l’utilisateur.
La Cour ne retient pas cette analyse. Elle considère en effet qu’est générée une seule et même copie qui sera sauvegardée par l’utilisateur sur le disque dur sans limitation de durée. La Cour considère que cette copie est créée par la société Wizzgo et destinée à l’utilisateur final : ainsi, copiste et usager sont deux personnes distinctes.
Cette décision se situe dans la ligne du célèbre arrêt Rannou-Graphie, rendu par la Cour de cassation le 7 mars 1984. Pour autant, les applications sont aujourd’hui diverses. Par exemple, de nombreux prestataires proposent des services de « cloud », permettant aux utilisateurs d’externaliser le contenu de leur ordinateur ou téléphone, de façon à le rendre accessible à partir de n’importe quel appareil. Le prestataire qui propose le service de cloud et met à disposition un espace pour l’utilisateur peut sans doute se voir appliquer le même raisonnement que celui retenu par la Cour dans l’affaire ici commentée. En effet, il met à disposition la technologie nécessaire à la copie et en assure le stockage et pourrait ainsi être considéré comme copiste, l’utilisateur final étant l’usager. Dans cette hypothèse, l’application ne pourrait bénéficier d’une exception au monopole de l’auteur, des artistes et des producteurs.
Anne Sophie LABORDE
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