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Cass. 1e civ. 25-9-2024 n° 23-14.777 P-B

Le pacte de préférence à durée indéterminée n’est pas nul ; cependant, il peut être résilié à tout moment.

Après avoir consenti un pacte de préférence en 1990 sur un immeuble, le promettant informe le bénéficiaire en 2011 de son intention de céder le bien à un tiers et à quelles conditions. En réponse, le bénéficiaire fait part de son intention d’exercer son droit de préférence. Le promettant refuse de signer l’acte de vente. Après le décès du promettant, le légataire universel de celui-ci remet en cause la validité du pacte de préférence pour s’opposer à l’exécution forcée de la vente. Son argumentation repose sur l’absence de terme à l’engagement, entraînant la nullité du pacte.

La Cour de cassation rejette l’argument : les engagements perpétuels ne sont pas sanctionnés par la nullité du contrat mais chaque contractant dispose de la faculté d’y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. En l’absence de résiliation du pacte de préférence, le bénéficiaire de celui-ci pouvait donc valablement exercer son droit de préférence.

La validité d’un pacte de préférence dénué de délai d’exécution n’induit pas pour autant une contradiction avec la prohibition des engagements perpétuels.

S’agissant de la sanction d’un engagement perpétuel, la première chambre civile de la Cour de cassation reprend ici à l’identique un principe qui avait été posé par la Chambre commerciale s’agissant de la durée « excessive » d’un pacte d’actionnaires incluant une promesse unilatérale de cession d’actions[1] . Dans cet arrêt du 21 novembre 2022, la Cour de cassation avait affirmé pour la première fois que les engagements perpétuels dans les pactes d’actionnaires n’étaient pas sanctionnés par la nullité du contrat tant que chaque contractant conservait le droit d’y mettre fin à tout moment. Ce principe n’étant valable que si, et seulement si, le délai de préavis contractuellement prévu est respecté ou, à défaut, un délai raisonnable. Ainsi, dans l’arrêt de septembre 2024, la Cour de cassation est venue étendre ce principe au pacte de préférence.

Dans la décision commentée comme dans celle précitée de 2022, la réforme du droit des contrats de 2016 n’était pas applicable. Mais, sous l’empire des nouveaux textes, la solution est la même en application du nouvel article 1210 du Code civil[2] qui traite de manière identique, l’engagement perpétuel et celui à durée indéterminée.


Celui qui entend consentir un pacte de préférence doit donc s’interroger préalablement sur l’intérêt pour lui (en fonction de ses objectifs et des circonstances) de fixer ou non un terme à son engagement. S’il n’en fixe pas, il s’expose à exécuter le pacte bien longtemps après l’avoir consenti, alors peut-être que ses motivations ou les circonstances ont évolué. Si un terme est fixé, celui-ci doit être respecté, sans possibilité de mettre fin au pacte unilatéralement avant l’arrivée du terme (C. civ. art. 1212 al.1[3]) mais le promettant recouvre ensuite sa liberté de contracter avec toute autre personne.


[1] Cass. com. 21-9-2022 no 20-16.994 F-B : BRDA 22/22 inf. 1

[2] Article 1210 du code civil : Les engagements perpétuels sont prohibés. Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée.

[3] Article 1212 al.1 du code civil : Lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l’exécuter jusqu’à son terme.

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