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Par suite d’une enquête menée en janvier et février 2018, la DGCCRF soupçonnait l’existence de pratiques restrictives de concurrence mises en œuvre par le GALEC à l’encontre de 16 fournisseurs consistant à leur demander et/ou les contraindre à accepter des avantages financiers sous forme de remises ou de ristournes au cours de l’année 2017.

L’assignation du ministre, fondée à titre principal sur le déséquilibre significatif et à titre subsidiaire sur l’avantage sans contrepartie, a donné lieu à la décision du tribunal de commerce de Paris commentée[1].

  • S’agissant de la demande principale fondée sur le déséquilibre significatif :

Le tribunal rappelle que la caractérisation d’un déséquilibre significatif implique de rapporter la preuve de deux éléments, à savoir :

  • la soumission, ou la tentative de soumission à des obligations, qui implique l’absence de négociation effective et/ou l’usage de menaces ou mesures de rétorsion visant à forcer l’acceptation ;
  • l’existence d’obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties qui peut se déduire d’une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d’une disproportion importante entre les obligations respectives des parties.

Le tribunal rappelle que la structure d’ensemble du marché de la grande distribution peut constituer un indice de rapports de force déséquilibrés au détriment des fournisseurs, mais que cette seule considération ne peut suffire à démontrer l’élément de soumission ou de tentative de soumission.

Par ailleurs, l’existence de clauses prérédigées n’est pas en soi interdite dès lors que ces clauses peuvent être modifiées à l’issue de la négociation.

De même, la possibilité d’une renégociation de la convention unique en cours d’année n’est pas exclue, conformément aux avis n° 17-7 du 27 avril 2017 et du 22 décembre 2008 de la CEPC.

Pour vérifier que ces deux conditions sont remplies, le tribunal procède à l’analyse in concreto de la situation des 16 fournisseurs interrogés par les services de la DGCCRF, fournisseur par fournisseur, et des conditions dans lesquelles les avantages financiers obtenus par le GALEC ont été sollicités, acceptés et/ou imposés.

A ce titre, l’approche du GALEC est toujours similaire, à savoir une demande de remises ou ristournes au fournisseur destinée à compenser une perte de marge ou de rentabilité de ses produits.

Pour 6 fournisseurs, la soumission a pu être caractérisée, notamment du fait de (i) menaces de déférencements, (ii) mises à exécution par le déférencement de certains produits, (iii) ou encore par l’interdiction de l’accès aux magasins des forces de vente des fournisseurs, lorsque ces éléments avaient un lien avéré avec la demande de remises ou ristournes du GALEC.

Pour les 10 autres fournisseurs, cette soumission n’est pas caractérisée en raison de la possibilité qu’ils ont eu de mener des négociations réelles et effectives avec le GALEC.

En ce qui concerne l’existence d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, le tribunal constate que pour un certain nombre de fournisseurs, le dossier du ministre ne faisait état d’aucune CPV.

Pour les autres fournisseurs qui disposaient de CPV, le tribunal indique que leur rédaction est claire et que les obligations sont corrélées.

En effet, l’engagement des fournisseurs à verser les remises ou ristournes au GALEC était conditionné à ce que le GALEC satisfasse préalablement à ses obligations, et notamment à ce que ce dernier « s’oblige à diffuser hebdomadairement les éléments à dynamiser aux points de vente à charge pour les points de vente de mettre en place des opérations promotionnelles ».

Ainsi, quand bien même la soumission a pu être reconnue s’agissant de certains fournisseurs, le tribunal constate que pour l’ensemble des fournisseurs concernés par l’enquête, aucune preuve d’obligations déséquilibrées n’est rapportée par le ministre.

Dès lors, l’infraction de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ne peut être retenue à l’encontre du GALEC, en l’absence de la réunion des deux conditions nécessaires à sa caractérisation.

  • S’agissant de la demande subsidiaire fondée sur l’existence d’avantages sans contrepartie :

Le tribunal énonce que le contrat de référencement avec les fournisseurs ne règle pas les relations avec les coopérateurs en aval du GALEC, qui restent libres négocier des conditions particulières spécifiques, et ne règle pas les évènements ou situations qui peuvent intervenir en cours d’année.

Le seul référencement permet l’exposition des produits en magasin mais aucunement leur dynamisation rendue nécessaire ou souhaitable au regard de la perte d’attractivité ou du prix trop élevé de certains produits.

En conséquence, la seule existence de contrats distincts portant sur la dynamisation des produits ne prouve pas en soi l’absence de contrepartie, de sorte que, le ministre échoue à rapporter la preuve de l’absence de réalité des contreparties.

Le tribunal de commerce de Paris déboute donc le Ministre de l’Economie de l’intégralement de ses demandes formées à l’encontre du GALEC, en ce compris la demande de condamnation du GALEC à une amende civile de 7.400.000 d’euros.


[1] TC Paris, 26 juin 2024, n° 2023001302

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