Les apports de la loi EGalim 2 en matière de négociation commerciale
La loi EGalim 2, qui vient d’être publiée au Journal officiel du 19 octobre 2021, introduit de nouveaux dispositifs de régulation et de transparence en amont et en aval de la chaîne agro-alimentaire, venant ainsi compléter la première loi EGalim du 30 octobre 2018.
En particulier, la loi EGalim 2 introduit deux nouveaux articles régissant les négociations commerciales entre les fournisseurs et distributeurs de produits alimentaires ou de petfood[1] : (i) un article L. 441-1-1 du code de commerce qui impacte la rédaction des conditions générales de vente (CGV) du fournisseur et accessoirement leur communication ; et (ii) un article L. 443-8 du code de commerce qui impacte la conclusion et la rédaction des conventions uniques.
Cette loi s’applique immédiatement aux CGV communiquées à compter du 1er novembre 2021 et aux prochaines négociations commerciales pour 2022.
Sur la rédaction des CGV :
Conformément au I. de l’article L. 441-1-1 du c. com., et dans un souci de transparence, le fournisseur de produits alimentaires ou de petfood doit désormais obligatoirement faire le choix entre trois options alternatives :
Option 1 : pour chaque produit concerné, indiquer la part unitaire de chaque matière première agricole et produit transformé de plus de 50 % de matières premières agricoles (ci-après indistinctement les « MPA ») entrant dans la composition du produit, sous la forme (i) d’un pourcentage du volume dudit produit et (ii) d’un pourcentage du tarif du fournisseur.
Option 2 : pour chaque produit concerné, indiquer la part agrégée des MPA entrant dans la composition du produit, sous la forme (i) d’un pourcentage du volume dudit produit et (ii) d’un pourcentage du tarif du fournisseur.
Option 3 : ne pas indiquer la part unitaire ou agrégée des MPA, mais faire état d’une évolution tarifaire par rapport à l’année précédente et prévoir, dans les CGV, l’intervention d’un tiers indépendant – a priori un expert-comptable ou commissaire aux comptes –, chargé de certifier que la négociation n’a pas porté sur la part de cette évolution qui serait liée à l’évolution du prix des MPA[2].
L’article L. 441-1-1 IV. c.com oblige par ailleurs le fournisseur à indiquer dans ses CGV si un contrat écrit a déjà été conclu, en amont, avec le producteur des MPA concernées, en application de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime.
Sur la rédaction des conventions uniques :
L’article L. 443-8 du c.com introduit tout d’abord le principe de la contrepartie à la ligne : la convention unique conclue entre le fournisseur de produits alimentaires ou de petfood et son « acheteur » doit ainsi désormais énumérer chacune des obligations des parties et le prix unitaire qui s’y rattache.
Un principe de non-négociabilité est également introduit, faisant directement écho aux dispositions rappelées ci-dessus de l’article L. 441-1-1 c. com : la négociation commerciale ne devra pas porter sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix des MPA. A cet égard, si l’option 1 ou 2 a été choisie, la part du prix unitaire ou agrégé, telle qu’indiquée dans les CGV, doit être reportée dans la convention unique, laquelle précise en principe ses modalités de prise en compte dans l’élaboration du prix de vente convenu.
Le IV. de l’article L. 443-8 c. com oblige par ailleurs de prévoir dans la convention unique une clause de révision automatique des prix en fonction de l’évolution du coût des MPA, devant obligatoirement inclure les indicateurs relatifs aux coûts de production en agriculture lorsqu’un contrat écrit a été conclu en application de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime susmentionné.
Au-delà de la rédaction des conventions uniques, l’article L. 443-8 c. com impacte accessoirement le calendrier des négociations : le distributeur[3] dispose désormais d’un délai d’un mois à compter de la réception des CGV pour soit (i) motiver « explicitement et de manière détaillée » le refus des CGV ou notifier les dispositions qu’il entend soumettre à la négociation, soit (ii) les accepter.
Le fait de ne pas se conformer aux dispositions des articles L. 441-1-1 I. et L. 443-8 c. com est passible d’une amende administrative d’un montant ne pouvant excéder 375 000 € pour une personne morale.
[1] Le champ d’application est large puisque les nouvelles dispositions s’appliquent aux CGV et conventions uniques conclues entre fournisseurs et « acheteurs » de produits alimentaires ou de petfood. Seuls sont exclus les grossistes, pour leurs actes d’achat et de revente. Un décret pourra toutefois être pris pour exclure de cette obligation : (i) certaines catégories de produits ; ainsi que (ii) les produits ne présentant qu’une faible part agrégée de MPA (le seuil reste à définir mais ne pourra être supérieur à 25 %).
[2] Exemple tiré des travaux parlementaires : si un fournisseur de soda propose une hausse de ses tarifs de 3 %, et qu’un tiers indépendant atteste que dans la hausse de tarif demandée, le prix du sucre représente 1 %, à l’issue de la négociation, le tarif négocié ne peut être inférieur à celui de l’année précédente + 1 % (puisque la part liée à la hausse du prix du sucre n’est pas négociable, elle doit de facto être reportée sur les tarifs).
[3] L’article L. 443-8 vise cette fois-ci le « distributeur » et non plus « l’acheteur ». Un acheteur n’ayant pas une activité d’achat-revente n’est donc en l’état pas soumis au délai d’un mois pour répondre à la communication des CGV.