Les conditions de l’exercice de l’action sociale « ut singuli » pour les membres d’une Association régie par la « Loi 1901 »

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé le 26 juin 2024 l’impossibilité pour les membres d’une association Loi 1901 de recourir à l’action sociale « ut singuli », sauf prévision statutaire contraire[1].

Pour rappel, l’action « ut singuli » est ouverte aux associés des sociétés commerciales, conformément aux droits qui leur sont conférés d’agir en justice au nom de la société pour exercer ce type d’action.

En effet, cette action se définit comme une demande en réparation du préjudice subi par la société du fait de ses mandataires sociaux. De ce fait, cette action est un droit propre conféré aux actionnaires et aux associés[2]. Cette disposition a été élargie aux sociétés civiles[3].

En l’espèce, une société, membre d’une association, invoque des fautes commises par le président dans sa gestion et engage une procédure en responsabilité et indemnisation du préjudice subi par celle-ci à l’encontre du président et de l’association. La Cour d’Appel lui refuse l’action en la jugeant irrecevable pour défaut d’intérêt et de qualité à agir. L’appelant forme alors un pourvoi en cassation.

Tout d’abord, la Cour de cassation énonce que sauf exception prévue par la loi, seules les personnes dûment habilitées à représenter une personne morale peuvent intenter une action en justice au nom de celle-ci[4]. Elle rappelle alors ses positions précédentes en arguant que « la possibilité d’exercer l’action sociale ut singuli à l’encontre d’un dirigeant est réservée par le législateur aux seuls membres de sociétés et constitue une dérogation pour ces groupements, à la règle selon laquelle nul ne plaide par procureur »[5].

Pour conclure, elle ajoute que, du fait du principe de liberté contractuelle[6], les statuts d’une association pourraient librement déterminer les personnes habilitées à représenter la personne morale en justice.

La Cour de cassation rejette donc le pourvoi et confirme l’arrêt d’appel en énonçant que « si l’exercice de l’action sociale ut singuli par un associé était prévu par le législateur pour les sociétés civiles et commerciales, aucun fondement légal n’ouvrait une telle action aux membres d’une association et qu’en raison de son caractère dérogatoire, le champ d’application de l’action sociale ut singuli instituée pour les associés devait être déterminé strictement et ne pouvait être étendu aux membres d’une association par l’effet d’une interprétation extensive ou analogique. ».

Lors d’une réponse à une question prioritaire de constitutionnalité[7], la Cour de cassation avait déjà affirmé l’impossibilité d’exercice de l’action « ut singuli » pour le simple membre d’une association.

Nonobstant, la Cour n’avait pas précisé la possibilité d’organiser l’exercice de cette action par une clause statutaire.

Ceci constitue l’apport essentiel du présent arrêt.


[1] Cass. 3e civ., 20 juin 2024, n°23-10.571

[2] C. com Art. L223-22 ; C. com, Art. L225-252

[3] C. civ, Art. 1843-5 ; Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association

[4] 1re Civ., 13 février 1979, n° 77-15.851 ; CPC, Art. 32

[5] Cass. 3e civ., 7 juillet 2022, n°22-10.447 ; Cass. 3e civ., 20 juin 2024, n°23-10.571

[6] C. civ, Art. 1102 ; Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association

[7] Cass. 3e civ., 7 juillet 2022, n°22-10.447