Parallèlement à la récente adoption du Règlement EU sur la protection des Données Personnelles, qui sera applicable le 25 mai 2018, la France s’apprête à voter de nouvelles dispositions modifiant la loi informatique et libertés, à l’occasion du projet de loi pour une République Numérique qui devrait être définitivement adopté le 27 septembre prochain. Voici donc une présentation des changements auxquels il faudra se préparer sans attendre le Règlement.
(1) Une nouvelle mention d’information à mettre en place : par anticipation sur le Règlement Européen, il conviendra d’informer les personnes dont les données sont collectées sur « la durée de conservation des catégories de données traitées ou, en cas d’impossibilité, des critères utilisés permettant de déterminer cette durée ». Cette obligation devrait représenter en pratique un travail assez lourd pour les responsables de traitements, qui se voient privés du délai de mise en conformité avec le Règlement.
(2) Un droit à l’oubli spécifique pour les mineurs : toute personne dont les données ont été collectées « dans le cadre de l’offre de services de la société de l’information » alors qu’elle était mineure, pourra demander l’effacement des données correspondantes sans autre justification que son âge au moment de la collecte. Les données devront alors être effacées dans les meilleurs délais, la CNIL pouvant être saisie au bout d’un mois. Ces dispositions constituent en somme un motif supplémentaire ouvert pour l’exercice du droit à l’oubli, en sus des six motifs listés par l’article 17 du Règlement EU. Les exceptions à ce droit sont d’ailleurs identiques dans les deux textes (par exemple : le traitement est nécessaire pour respecter une obligation légale, etc.).
(3) L’encadrement de la « mort numérique » : il sera désormais possible d’exprimer sa volonté quant à la gestion post-mortem de ses données personnelles : effacement, conservation ou communication. Le « testament numérique » présentant les directives générales, pourra être enregistré auprès d’un tiers de confiance certifié par la CNIL. Quant aux directives particulières, elles pourront être enregistrées auprès des responsables de traitements mais devront faire l’objet d’un consentement spécifique (pas de CGU). En tout état de cause, il sera possible de désigner une personne responsable de leur exécution (à défaut, il s’agira des héritiers).
(4) Alourdissement des sanctions pécuniaires prononcées par la CNIL : dès l’entrée en vigueur, les sanctions pécuniaires maximum prononcées par la CNIL passeront de 150 000 € (pour une première violation) à 3 millions d’euros (maximum). Il convient néanmoins de noter que le Règlement Européen élèvera encore un peu plus ce plafond puisque la CNIL pourra alors prononcer des sanctions allant dans certains cas jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaire mondial.
(5) Quelques autres dispositions :
– La loi imposera désormais de permettre l’exercice des droits ouverts aux personnes dont les données sont traitées (accès, rectification, opposition, etc.) par la voie électronique dès lors que la collecte aura été réalisée par ce biais. Il ne sera donc plus possible de ne communiquer qu’une adresse postale.
– La CNIL devra être consultée sur tout projet de loi ou de décret relatif en tout ou partie aux données personnelles et ses avis seront rendus publics. La CNIL aura également pour nouvelle mission de promouvoir l’utilisation des technologies de chiffrement et toute autre technologie permettant la protection des données. Elle pourra également certifier ou homologuer, et publier, des référentiels ou méthodologies ayant trait à l’anonymisation des données à caractère personnelles.
En marge de l’adoption du Règlement EU sur la protection des données personnelles, ce projet de loi ne doit pas être sous-estimé, car il anticipe et même ajoute au Règlement de manière significative. Notons enfin que le Gouvernement devrait remettre au Parlement, avant le 30 juin 2017, un rapport sur de nouvelles modifications de la loi informatique et libertés, rendues nécessaires par l’entrée en vigueur (et surtout l’application) du Règlement EU.
Sylvain NAILLAT