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TGI Paris, 3ème Ch., 3ème Sect., 10 octobre 2014 

L’auteur du texte du doublage (en langue française) d’une adaptation audiovisuelle d’une série a, notamment, assigné les sociétés de production et le diffuseur de la série : (i) sur le terrain du droit moral au motif que les modifications ultérieurement apportées à ses textes conduisaient à des erreurs historiques et de syntaxe ainsi qu’à des contresens et fautes de français et, (ii) sur le terrain du droit patrimonial, en reprochant l’utilisation sans son accord de ses textes (écrits pour les besoins du doublage) pour effectuer le sous-titrage de l’œuvre audiovisuelle.

Pour écarter la fin de non-recevoir opposée par la société en charge de l’adaptation et du doublage de la série, le Tribunal a successivement fait valoir que :

– l’intervention de l’auteur de l’adaptation étant postérieure à l’achèvement de l’œuvre de collaboration que constitue la série (en application de l’article L.113-7 du Code de la propriété intellectuelle), elle n’avait donc pas à appeler en la cause l’ensemble des coauteurs de la série ;

– la société chargée, par le coproducteur de la série, des travaux d’adaptation, de doublage et de sous-titrage en langue française n’ayant pas pris l’initiative de cette adaptation française de la série dont elle n’est pas propriétaire, l’œuvre objet du litige ne constitue pas une œuvre collective (au sens de l’article L.113 2 du Code de la propriété intellectuelle), la société ayant en outre reconnu que l’adaptateur était « le seul auteur des dialogues français de la série » ;

– le « texte d’adaptation ne constitue pas un phonogramme » sur lequel la société en charge du doublage « serait investie des droits du producteur de phonogramme ».

En l’absence de contrat écrit, le Tribunal a estimé que les échanges intervenus entre les parties s’analysaient en un contrat de commande de l’adaptation française en vue du doublage, et a rappelé le principe de la reconnaissance des droits d’auteur aux traducteurs et adaptateurs par l’article L.112 3 du Code de la propriété intellectuelle.

En l’espèce, le Tribunal a considéré que l’adaptation constituait bien une œuvre protégeable portant « par le choix des mots, des expressions, des tournures de phrase, et des ajouts de texte » l’empreinte de la personnalité de son auteur, en dépit des contraintes imposées (fidélité au texte original, nécessité technique de synchronisme) et des directives du directeur artistique de la société.

Le Tribunal a considéré que les modifications apportées au texte de l’adaptation répondaient pour certains, à la recherche d’un meilleur synchronisme et pour d’autres, constituaient effectivement des modifications du sens ou introduisaient des fautes de syntaxe, et a estimé ainsi qu’en modifiant l’enregistrement du texte, sans l’accord de l’auteur de l’adaptation, il avait été porté atteinte à son droit moral.

A cet égard, le Tribunal fait valoir que « la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut se déduire du seul caractère d’œuvre de commande de l’œuvre en cause » et en l’espèce qu’« en l’absence de toute clause en ce sens », il ne peut donc être soutenu que l’auteur de l’adaptation aurait renoncé à son droit de s’opposer à ces modifications.

Enfin, le Tribunal a retenu qu’il y avait eu atteinte aux droits patrimoniaux de l’auteur de l’adaptation par la reprise sans son accord de certaines de ses créations (choix d’expression et tournures de phrase) dans le texte du sous-titrage.

Le préjudice de la demanderesse a été estimé à 20.000 euros au titre du droit patrimonial et 6.000 euros au titre du préjudice moral.

Cette décision illustre la nécessité pour les producteurs et leurs prestataires de prévoir la conclusion de contrats adaptés avec les différents contributeurs aux adaptations, doublages et sous-titrages.

Dorothée SIMIC

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