Les moteurs de recherche sont des intermédiaires dans la mise à disposition des oeuvres
Divers syndicats de l’industrie du cinéma et de la vidéo ont assigné les fournisseurs d’accès à internet (FAI) et les moteurs de recherche fournissant leurs services en France devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, pour que soit ordonné le blocage de l’accès au site de streaming « Allostreaming », et à tous les sites internet s’y rattachant. C’est dans le cadre de ce litige que le Tribunal de Grande Instance de Paris, par une ordonnance rendue le 25 juin 2013, a refusé de transmettre à la Cour de Justice de l’Union Européenne une question préjudicielle posée par un des moteurs de recherche.
En vue d’obtenir le blocage de l’accès à ces sites internet, les demandeurs sollicitent l’application de l’article L336-2 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) en vertu duquel « le Tribunal de Grande Instance, statuant le cas échéant en la forme de référé, peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des sociétés de perception et de répartition des droits visées à l’article L321-1 ou des organismes de défense professionnelles visés à l’article L331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ».
Cet article a été inséré dans le Code de la Propriété Intellectuelle par la loi Hadopi du 12 juin 2009, suite à l’adoption au niveau européen de la Directive 2001/29/CE du 21 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société d’information.
En effet, l’article 8-3 de cette Directive oblige les Etats Membres à prévoir la possibilité pour les titulaires de droits d’auteur de demander « qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin ».
Le moteur de recherche ayant posé la question préjudicielle considère que les termes de l’article L336-2 du CPI ne respectent pas les limitations découlant de l’article 8-3 de la Directive, car cet article ne vise pas seulement « les intermédiaires dont les services sont utilisés » mais « toute personne susceptible » de remédier aux atteintes. Or, il soutient que les moteurs de recherche ne peuvent pas être considérés comme des « intermédiaires » au sens de la Directive et donc être soumis à l’obligation de bloquer l’accès à des sites internet. En effet, leur seule fonction est de référencer des sites internet sans mettre à disposition des internautes les contenus de ces sites. C’est donc à ce titre qu’il souhaitait obtenir l’interprétation par la CJUE du terme « intermédiaire » utilisé dans la Directive.
Cette demande de renvoi a été refusée car :
• En application du Traité Fondateur de l’Union Européenne (TFUE), lors de la transposition des Directives, les Etats Membres ne sont liés que par l’obligation d’insertion des résultats à atteindre. Ils conservent la possibilité de choisir la forme et les moyens pour arriver à ces résultats ;
• La Directive de 2001 avait pour but de créer un niveau de protection élevé et harmonisé du droit d’auteur et des droits voisins dans l’UE en obligeant notamment les Etats Membres à prévoir des sanctions et des voies de recours efficaces pour lutter contre les atteintes envers ces droits ;
• La Directive souligne le fait que les intermédiaires sont souvent les plus à même de lutter contre ces atteintes et que donc les Etats Membres doivent prévoir la possibilité pour les ayants droit d’agir contre ces intermédiaires. Cependant, aucune définition de ces intermédiaires n’est donnée.
Le juge estime que l’article L336-2 du CPI est conforme aux objectifs de la Directive dès lors qu’en offrant la possibilité aux titulaires de droits d’agir contre les intermédiaires, il prévoit une protection élevée de ces droits.
En outre, il considère que les moteurs de recherche doivent être considérés comme des intermédiaires puisque ce sont les algorithmes qu’eux seuls mettent en place qui permettent de référencer les sites en question et donc d’y accéder. Le juge relève que les intermédiaires participent ainsi à la transmission de contrefaçons.
Adélie THEVENOT
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