Cet arrêt constitue la dernière des nombreuses décisions concernant Giacometti et porte cette fois sur la qualification d’œuvre en matière de lithographies.
En l’espèce, le cessionnaire d’un fonds de commerce d’imprimerie ayant procédé à la réalisation de lithographies de Giacometti vend à une galerie deux plaques de zinc comportant les traces desdites lithographies sous forme inversée. La galerie les confie à une société avec mandat de les vendre, laquelle société les propose à la vente au double du prix d’achat initial. La Fondation Giacometti fait procéder à la saisie des plaques puis assigne la société en restitution sur le fondement, notamment, du droit de divulgation.
Le Tribunal de Grande Instance de Paris accueille la demande de la Fondation, mais la cour d’appel de Paris infirme le jugement par un arrêt du 26 juin 2009. La Fondation se pourvoit alors en cassation. La Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve la décision de la cour d’appel.
Concernant la qualification d’œuvre donnée aux plaques, les juges retiennent que la cour d’appel a relevé à bon droit que « le procédé de dessin par report sur plaque de zinc (…) constituait un travail purement technique qui mettait en jeu le savoir-faire et l’habileté de l’imprimeur », que dès lors, et même si elles conservent des traces de l’œuvre, les plaques de zinc ne sont pas des œuvres éligibles à la protection par le droit d’auteur.
La cour d’appel avait d’ailleurs, au soutien de sa décision, opéré une distinction entre plaques de zinc et plaques de cuivre sur lesquelles l’artiste travaille directement par gravure. Ces dernières sont, à l’inverse des plaques de zinc, des œuvres originales.
Les plaques de zinc n’étant pas des œuvres, il ne peut y avoir d’atteinte au droit moral. Dès lors, les juges approuvent la cour d’appel d’avoir déduit que « l’offre de vente des matrices ne portait atteinte ni au droit de divulgation ni à l’intégrité de l’œuvre, non plus qu’à sa destination. »
La Cour ne répond pas directement à la question posée par les demandeurs au pourvoi qui était de savoir si la volonté de l’auteur de divulguer des lithographies emportait autorisation de divulguer l’œuvre en forme inversée sur les plaques de zinc. En effet, les plaques de zinc ne pouvant recevoir la qualification d’œuvres, il n’y a pas lieu de distinguer entre propriété incorporelle de l’œuvre et propriété matérielle du support au regard de l’exercice des droits moraux.
Enfin, concernant la propriété des plaques, la Cour rejette le moyen tiré de l’accession mobilière et donne raison à la cour d’appel de ne pas y avoir répondu. En effet, selon les usages professionnels, les plaques de zinc appartiennent à l’imprimeur qui peut les réutiliser comme il le souhaite, sauf opposition de l’auteur, ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce. Les plaques étant « uniquement un élément matériel » et non le support d’une œuvre, les règles de l’accession mobilière ne sont pas applicables.
Laurène HAUGUEL