Les pouvoirs de régulation du CSA sont rognés par le Conseil d’Etat
Par son arrêt annulant la décision du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) dans le différend opposant M6 et AB Sat, le Conseil d’Etat limite très sérieusement le pouvoir de régulation du CSA.
Saisi par AB Sat dans le cadre de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui lui permet de statuer sur les différends entre éditeurs de services de radio et de télévision et distributeurs, le CSA, avait jugé discriminatoire le refus opposé par M6 de contracter pour la mise à disposition de son service, alors qu’il était mis à la disposition de nombreux distributeurs concurrents. Par une décision rendue le 8 juillet 2008, le CSA avait donc enjoint à M6 d’ouvrir des négociations et de présenter à AB Sat une proposition commerciale de distribution de la chaîne.
M6 a formé un recours en annulation de cette décision que le Conseil d’ Etat a accueilli.
Le Conseil d’Etat a considéré que la mission de règlement de différends devait être conciliée avec la liberté contractuelle dont disposent les éditeurs et distributeurs de services et qu’en l’absence de relation contractuelle, le CSA ne dispose du pouvoir de prononcer une injonction que si la loi fait expressément obligation de contracter, obligation qui ne pèse que sur les distributeurs pour la diffusion des chaînes hertziennes, ou si cette injonction est nécessaire pour prévenir une atteinte caractérisée à des principes généraux tels que l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion ou la qualité et la diversité des programmes.
En excluant de la compétence du CSA l’appréciation du caractère objectif, équitable et non discriminatoire du refus de contracter, en l’absence d’atteinte caractérisée aux principes de la liberté de communication susvisés, le Conseil d’Etat réduit très sensiblement le pouvoir de régulation du CSA.
En effet, lorsqu’existe un contrat, l’appréciation des obligations contractuelles échappe au contrôle du CSA et relève de la compétence des juridictions déterminées par le contrat.
En l’absence de contrat, c’est-à-dire sans doute aussi bien en cas de refus de contracter que d’expiration d’un contrat sans offre de renouvellement, c’est donc uniquement sur le terrain du droit de la concurrence que les services de télévision et les distributeurs de services pourraient trouver un remède à leurs difficultés d’accéder au marché, le Conseil d’Etat affirmant l’incompétence du CSA.
Eric LAUVAUX