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(CA Paris, pôle 5, ch. 9, 30 janv. 2025, n° 22/17478Cass.com 12 février 2025, n°23-11.410)

Le 30 janvier 2025, après deux années d’incertitudes suscitées par la décision de première instance qui avait remis en cause une distribution de dividendes prélevés sur les réserves et le report à nouveau en dehors du cadre de l’assemblée générale ordinaire annuelle (AGOA), la qualifiant de dividendes fictifs[1] , la Cour d’Appel de Paris considère, à l’inverse, que rien n’interdit de décider une telle distribution en l’absence de dispositions légales contraires, car il ressort des articles L.232-11 et L.232-12 du code de commerce que :

  • Le report à nouveau bénéficiaire, composante du bénéfice distribuable tel que légalement défini[2], s’apparente à une réserve et peut à cet égard être distribué sur décision collective des actionnaires ;
  • La possibilité pour l’assemblée générale de mettre en distribution des sommes prélevées sur les réserves disponibles, en indiquant les postes de réserves concernés, est expressément prévue, sans que, en outre, la nature de cette assemblée ne soit précisée ou que ne soit visée celle approuvant les comptes[3] ; de même, la nature de l’assemblée générale fixant le dividende n’est pas qualifiée[4] ;
  • Le délai de neuf mois après la clôture de l’exercice pour la mise en paiement des dividendes[5] ne saurait s’appliquer à une distribution qui ne porte pas sur des réserves constituées à la suite de l’exercice écoulé.

Mais quelques jours plus tard, le 12 février 2025, la Cour de cassation, statuant dans une autre affaire, donne sa lecture du premier alinéa de chacun des articles L.232-11 et L.232-12 :

« Il résulte de la combinaison de ces textes, lesquels sont impératifs, que le report bénéficiaire d’un exercice est inclus dans le bénéfice distribuable de l’exercice suivant et que, par voie de conséquence, seule l’assemblée approuvant les comptes de cet exercice pourra décider son affectation et, le cas échéant, sa distribution. Il s’ensuit qu’encourt la nullité la délibération d’une assemblée générale autre que celle approuvant les comptes de l’exercice et décidant la distribution d’un dividende prélevé sur le report à nouveau bénéficiaire d’un exercice précédent. »

L’espoir du retour total d’une pratique jusqu’alors répandue et largement approuvée par la doctrine aura donc été de courte durée.

Soulignant le caractère impératif des textes précités, la Cour de cassation tranche clairement : une assemblée générale, autre que l’AGOA, ne peut pas distribuer le report à nouveau, sous peine d’encourir la nullité.

En revanche, la possibilité d’une distribution exceptionnelle de dividendes prélevée sur les réserves disponibles ne semble pas écartée. Dans cette affaire, cependant, seule la distribution du report à nouveau hors AGOA était en question.

En l’état actuel du droit, on peut néanmoins considérer qu’une distribution du report à nouveau et/ou des réserves est donc valablement décidée :

  • Par l’AGOA, organe dédié par principe, qui peut ainsi distribuer des sommes provenant tant du report à nouveau que des réserves disponibles,
  • Par les dirigeants (Président de SAS, conseil d’administration ou directoire de SA, gérant de SARL, etc.), s’il s’agit de distribuer un acompte sur dividendes à valoir sur le dividende global décidé par l’AGOA, lequel acompte est prélevé, au vu d’un bilan intermédiaire certifié par un commissaire aux comptes, sur le bénéfice distribuable qui inclut donc le report à nouveau[6],
  • Par une assemblée générale, autre que l’AGOA, uniquement si les sommes distribuées sont prélevées sur les réserves disponibles antérieurement constituées (ce qui pourrait inciter les prochaines AGOA à affecter les résultats non distribués, voire le report à nouveau antérieur, au compte « autres réserves »), sauf nouveaux rebondissements qui viendraient remettre en cause, à son tour, une telle distribution de réserves …

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[1] T. Com Paris, 23 septembre 2022, n°J2021000542

[2] Art. L.232-11, al.1 : « Le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l’exercice, diminué des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire. »

[3] Art. L.232-11, al.2 : « En outre, l’assemblée générale peut décider la mise en distribution de sommes prélevées sur les réserves dont elle a la disposition. En ce cas, la décision indique expressément les postes de réserve sur lesquels les prélèvements sont effectués. Toutefois, les dividendes sont prélevés par priorité sur le bénéfice distribuable de l’exercice.

[4] Art. L.232-12, al 1 : « Après approbation des comptes annuels et constatation de l’existence de sommes distribuables, l’assemblée générale détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes. »

[5] Art L.232-13 c.com : « Les modalités de mise en paiement des dividendes votés par l’assemblée générale sont fixées par elle ou, à défaut, par le conseil d’administration, le directoire ou les gérants, selon le cas. Toutefois, la mise en paiement des dividendes doit avoir lieu dans un délai maximal de neuf mois après la clôture de l’exercice. La prolongation de ce délai peut être accordée par décision de justice. »

[6] Art. L.232-12, al 2 : « Toutefois, lorsqu’un bilan établi au cours ou à la fin de l’exercice et certifié par un commissaire aux comptes fait apparaître que la société, depuis la clôture de l’exercice précédent, après constitution des amortissements et provisions nécessaires, déduction faite s’il y a lieu des pertes antérieures ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts et compte tenu du report bénéficiaire, a réalisé un bénéfice, il peut être distribué des acomptes sur dividendes avant l’approbation des comptes de l’exercice. Le montant de ces acomptes ne peut excéder le montant du bénéfice défini au présent alinéa. Ils sont répartis aux conditions et suivant les modalités fixées par décret en Conseil d’Etat. »

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