Licenciement après la période de protection du salarié protégé pour des motifs sur lesquels l’administration s’est déjà prononcée
A l’expiration de sa période de protection, un ancien salarié protégé ne peut pas faire l’objet d’un licenciement pour des faits ayant préalablement donné lieu à une décision de refus d’autorisation de licenciement par l’autorité administrative (inspection du travail, ministre du travail).
Dans le prolongement de notre commentaire de l’arrêt du 5 mars 2015 (n° de pourvoi 13-26667) rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation (voir NomoSocial – avril 2015), la haute juridiction a récemment rendu un autre arrêt démontrant, une nouvelle fois, la complexité procédurale entourant la rupture du contrat de travail d’un salarié anciennement protégé.
Il ressortait de l’arrêt du 5 mars 2015 que l’inspection du travail (IT) devait être saisie à l’occasion de la procédure de licenciement d’un salarié congédié (i) au terme de son mandat mais (ii) pour des faits commis durant ledit mandat.
Dans un arrêt du 23 septembre 2015 (n° de pourvoi 14-10648), la Cour de cassation rappelle par ailleurs que, pour un salarié protégé, « le licenciement prononcé à l’expiration de la période légale de protection ne peut être motivé par des faits invoqués devant l’autorité administrative et qui ont donné lieu à une décision de refus d’autorisation du licenciement ».
La solution semble évidente ; comment le juge judiciaire pourrait-il dire causé un licenciement prononcé pour des faits qui auraient été préalablement jugés par l’autorité administrative comme ne justifiant pas la rupture du contrat de travail ? Néanmoins, cette évidence concerne des situations qui peuvent se révéler complexes et dont il convient d’avoir conscience.
En l’espèce, un salarié titulaire de mandats de délégué du personnel et de délégué syndical avait refusé d’exécuter des tâches de manutention. Il avait alors fait l’objet de deux procédures de licenciement pour faute, engagées alors qu’il était encore salarié protégé, qui s’étaient conclues par deux refus d’autorisation de licencier par l’administration.
A l’expiration de la période de protection dudit salarié, l’employeur le licencia pour faute grave. Le comportement de l’employeur n’était pas absurde dès lors que (i) l’IT n’est plus compétente pour statuer sur la demande d’autorisation de licenciement quand le salarié perd le statut de salarié protégé (CE, 13 mai 1992, 110184 ; CE, 28 février 1997, 153547 ; Cass. Soc. 28 novembre 2007, 06-40489 ; Cass. Soc. 13 mai 2008, 06-42806) et que (ii) l’employeur recouvre alors le droit de licencier l’intéressé sans autorisation administrative (Cass. Soc. 28 novembre 2007, 06-40489 ; Cass. Soc. 13 mai 2008, 06-42806).
Toutefois, la Cour de cassation rappelle que dès lors que l’administration avait, du temps où le salarié était protégé, refusé d’autoriser le licenciement pour les mêmes faits, l’employeur ne pouvait pas les invoquer à nouveau pour rompre le contrat au terme de la période de protection dudit salarié. La haute juridiction semble ainsi, sans l’écrire, accorder une autorité de chose jugée à l’administration.
Précisément, l’administration avait considéré que la manutention que le salarié avait refusé d’exécuter n’était pas inhérente à son contrat de travail et résultait d’une modification à laquelle il pouvait s’opposer. La manutention n’entrant pas dans ses attributions, son refus ne motivait pas la rupture de son contrat de travail.
Le principe – de l’impossibilité de licencier un ancien salarié protégé pour des faits ayant été précédemment écartés par l’administration – acquis, se pose la question du salarié qui réitère les faits ; la persistance du comportement peut éventuellement devenir fautive. C’est pourquoi la Cour de cassation, dans un précédent arrêt allant dans le même sens (Cass. Soc. 9 juillet 2014, 13-16434), avait précisé que le licenciement prononcé au terme du mandat d’un salarié, pour des motifs ayant préalablement fait l’objet d’une décision de refus de l’administration, n’était pas fondé car « ces motifs n’étaient pas justifiés par des circonstances postérieures à la décision administrative ». Dans une décision plus ancienne (Cass. Soc. 3 juillet 2003, 00-44625), la haute juridiction avait également envisagé cette possibilité alors que le salarié avait commis « de nouvelles fautes qui s’ajoutaient à celles commises avant la réintégration ». Elle avait toutefois cassé l’arrêt d’appel qui avait jugé le licenciement causé car il n’avait pas énoncé « que les fautes postérieures constituaient à elle seules une cause réelle et sérieuse du licenciement ».
Partant, la Cour de cassation envisage la possibilité que le licenciement d’un ancien salarié protégé puisse être validé en raison de faits ayant été auparavant écartés par l’administration à la condition que (i) des circonstances postérieures à la décision administrative le motivent et que (ii) ces circonstances justifient à elles seules une cause réelle et sérieuse.
A défaut, le licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse (voir dans le même sens : Cass. Soc. 15 janvier 2013, 11-18800 ; Cass. Soc. 27 octobre 1998, 96-40880 ; Cass. Soc. 19 décembre 1990, 88-43526).
Le licenciement pourra même être jugé nul si l’administration avait refusé l’autorisation de licenciement « au motif que la demande était liée au mandat et aux responsabilités de représentant du personnel du salarié », le licenciement ensuite prononcé étant subséquemment « fondé sur des motifs discriminatoires » (Cass. Soc. 9 juillet 2014, 13-16434).
Romain PIETRI
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