Une société de négoce en vins est titulaire de plusieurs marques et notamment des marques françaises « saintem » et « saint’ayme », déposées en 2001. En 2008, l’Union des producteurs de Saint-Emilion dépose la marque « saintem » et assigne le négociant en vins aux fins de voir prononcer la déchéance de la marque « saintem ». A titre reconventionnel, celui-ci sollicite la condamnation de l’Union des producteurs de Saint-Emilion pour contrefaçon de marque et parasitisme, et la nullité de la marque « saintem » déposée en 2008.
La Cour d’appel de Bordeaux, par un arrêt rendu le 23 mai 2011, constate la déchéance de la marque « Saintem » déposée par le négociant et rejette ainsi la demande reconventionnelle en contrefaçon. Enfin, elle rejette les demandes de condamnation pour parasitisme, celles-ci étant fondées sur des faits similaires à ceux invoqués au soutien de l’action en contrefaçon.
Dans un arrêt du 12 juin 2012, la chambre commerciale de la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux.
La Cour de cassation confirme, dans un premier temps, la déchéance de la marque « saintem » déposée en 2001.Elle écarte l’argument du titulaire de la marque qui tentait de se prévaloir, pour échapper à la déchéance de la marque « saintem », de l’usage du terme « saint ayme » qui avait fait l’objet d’un dépôt distinct.
Sur le rejet de l’action en contrefaçon, la Cour de cassation casse en revanche l’arrêt d’appel en rappelant qu’il convient de déterminer la date de prise d’effet de la déchéance pour apprécier l’existence de la contrefaçon. En effet, si la prise d’effet de la déchéance est postérieure au dépôt de la marque « saintem » par l’Union en 2008, l’action en contrefaçon pourrait être recevable pour la période antérieure.
L’arrêt de la Cour de cassation présente un intérêt plus particulier s’agissant des demandes de condamnation pour parasitisme. En effet, lorsqu’un titulaire de droit fonde son action à la fois sur des droits privatifs et sur la responsabilité civile délictuelle et dès lors que la juridiction constate l’absence de ces droits privatifs (déchéance ou annulation d’une marque, critères de protection d’une création par le droit d’auteur non remplis, défaut de preuve de la titularité des droits), elle rejette également l’action en responsabilité civile délictuelle considérant qu’en l’absence de droits, la reprise ou l’imitation du signe ou de la création ne peut être fautive en elle-même (voir par exemple CA Paris, 14 septembre 2012, n°11/15529).
Le défaut de protection par le droit de la propriété intellectuelle permet ainsi généralement au défendeur d’échapper, logiquement, à une condamnation pour contrefaçon, mais également pour concurrence déloyale ou parasitisme, à moins qu’il n’ait commis des faits distincts de l’imitation.
En l’espèce, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel, considérant que l’action pour parasitisme « peut être fondée sur les mêmes faits que ceux allégués au soutien d’une sanction en contrefaçon de marque rejetée pour défaut de droit privatif, dès lors qu’il est justifié d’un comportement fautif. »
Cet arrêt énonce ainsi que le demandeur dont l’action en contrefaçon a été rejetée peut faire une demande subsidiaire sur le fondement de la responsabilité civile, pour des faits identiques, indiquant implicitement que la reprise d’un élément non protégé par le droit de la propriété intellectuelle peut être fautive.
Anne Sophie LABORDE