La société Natixis Coficiné agissant en tant que chef de file d’un pool bancaire a accordé à un producteur un crédit garanti par la cession de l’intégralité des produits de l’exploitation télévisuelle en France de plusieurs films et notamment ceux à provenir de France Télévisions au titre de l’achat par cette dernière des droits de télédiffusion. Cette garantie a été inscrite par le bénéficiaire au registre de la cinématographie et de l’audiovisuel (RCA) afin de la rendre opposable aux tiers. La société emprunteuse a cédé les droits de diffusion de trois films à la chaine de télévision France 3 qui s’est acquittée du prix de cession entre ses mains. Mise en demeure par le cessionnaire, France 3 faisait alors valoir que l’acte inscrit mentionnait France Télévisions en qualité de débiteur et qu’à défaut de notification de la cession à son égard avant qu’elle ne procède au paiement, et alors qu’elle constituait, avant la loi de 2009, une personne morale distincte de France Télévisions, elle s’était valablement libérée entre les mains du cédant.
La Cour d’Appel dans un arrêt du 16 juin 2011 avait rejeté la demande formée par la société Natixis Coficiné et affirmé que si la publication au registre rend la délégation ou la cession opposable aux tiers sans qu’il soit besoin d’une notification, cette opposabilité ne vaut que pour les délégations ou cessions publiées, de sorte qu’une délégation ou une cession sur un débiteur ne figurant pas dans la publication ne lui est pas opposable, sauf notification directe à ce débiteur avant qu’il ait réglé.
La Cour avait retenu, qu’en l’espèce, l’acte mentionnant « les créances détenues à l’encontre de France Télévisions », personne morale distincte de France 3, et « la dette de l’un ne pouvant être celle de l’autre », France 3 avait effectué un paiement libératoire à défaut de notification par le cessionnaire avant paiement.
La Cour de Cassation au visa des articles 33 et 36 du code de l’industrie cinématographique (dans leur rédaction applicable à la cause, devenue art. L.123-1 et L.124-2 du Code du Cinéma) censure l’arrêt de la cour d’appel, pour défaut de base légale et lui reproche de ne pas avoir constaté « que l’acte publié au RPCA excluait expressément de son assiette les recettes issues de la cession des droits de diffusion intervenue au profit de la société France 3 ».
Elle rappelle « qu’il résulte de ces textes, que sauf dispositions contraires portées au contrat et inscrites au RPCA, le bénéficiaire d’une délégation ou d’une cession, en propriété ou à titre de garantie, de tout ou partie des produits présents et à venir d’une œuvre cinématographique régulièrement inscrite audit registre, encaisse seul et directement, à concurrence de ses droits et suivant l’ordre de son inscription, le montant des produits de cette œuvre, de quelque nature qu’ils soient, et ce, sans qu’il soit besoin de signification aux débiteurs cédés qui seront valablement libérés entre ses mains ».
Cette décision réaffirme que l’inscription au RCA d’une délégation ou cession de recettes d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles est nécessaire et suffisante pour assurer l’opposabilité aux tiers du droit d’exploitation du cessionnaire sauf stipulation expresse des parties en limitant l’assiette.
La mention de France Télévision, à titre d’exemple, ne saurait avoir pour effet d’exclure un autre diffuseur de la délégation.
En effet, l’inscription au RCA est nécessaire et suffisante pour assurer l’opposabilité aux tiers qui peuvent (et doivent) prendre connaissance des actes inscrits au registre public.
De plus, concernant la détermination de l’assiette du droit, celle-ci est suffisamment assurée par la mention dans l’acte inscrit des titres des œuvres audiovisuelles ou cinématographiques concernés ou des produits y associés affectés, nantis ou cédés.
Solenne GAUDRY