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Dans un arrêt du 8 février 2023, la Cour de cassation a jugé qu’un mode de management brutal et méprisant des subordonnés était constitutif d’une faute grave (Cass. soc., 8 févr. 2023, 21-11535).

En l’espèce, un salarié engagé en qualité de directeur général d’une association pendant plus de cinq ans, avait pris l’habitude de :

  • se permettre des critiques vives et méprisantes des salariés ;
  • déchirer le travail d’un salarié en public au motif qu’il n’était pas satisfaisant ;
  • donner des ordres et contre ordres peu respectueux du travail des salariés.

Ce faisant, l’employeur avait décidé de licencier ce manageur pour faute grave.

La faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, est-elle constituée lorsque le salarié use d’un management brutal et méprisant pendant plus de cinq ans ? Autrement dit, peut-il être considéré que la tolérance de cette pratique fautive par l’employeur permet d’écarter la gravité de la faute ?

Il a déjà pu être décidé que le comportement de l’employeur qui tolère la faute du salarié pendant une certaine durée peut lui ôter son caractère de gravité et rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse (notamment Cass. soc., 10 nov. 2016, 15-18697). Mais les faits sanctionnés n’étaient pas constitutifs d’un harcèlement moral.

Dans l’arrêt ici commenté, la cour d’appel avait néanmoins repris le raisonnement pour juger que la gravité de la faute n’était pas établie, bien que s’agissant d’un harcèlement moral. La Cour de cassation en décide autrement :

« En statuant ainsi par un motif tiré de l’ancienneté insuffisant à lui seul à écarter la qualification de faute grave alors qu’il résultait de ses constatations la pratique par le salarié d’un mode de management de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés, ce dont il résultait que l’intéressé avait commis une faute rendant impossible son maintien dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Dans ses conclusions d’appel, la société avait d’ailleurs argué de ce que, compte tenu, des agissements du salarié et de leurs conséquences sur la santé de ses salariés, elle ne pouvait pas prendre le risque de poursuivre son contrat de travail pendant le préavis, se situant ainsi sur le terrain de l’obligation de sécurité des employeurs.

L’arrêt fournit, de surcroît, une autre information importante. Alors qu’il était régulièrement jugé que le management constitutif d’un harcèlement moral devait se manifester « pour un salarié déterminé » (Cass. soc., 22 oct. 2014, 13-18862 ; Cass. soc., 10 nov. 2009, 07-45321), dans la décision commentée, la Cour de cassation semble abandonner cette condition puisqu’elle rend sa décision sur la base d’un management brutal et méprisant des « subordonnées » du salarié harceleur. Il ne serait donc plus nécessaire d’impérativement identifier un salarié en particulier, victime du harcèlement ; le fait qu’une collectivité de salariés – dont potentiellement chacun n’est victime que d’un seul agissement – soit concernée, semble ici suffisant à caractériser un harcèlement moral sanctionnable.

Bien que non publié, cet arrêt d’espèce laisse entrevoir une évolution de la jurisprudence en la matière.

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