Un agent artistique reprochait à un comédien d’avoir rompu unilatéralement et sans motif légitime le mandat qui les liait, le contrat d’agent artistique s’analysant, en effet, comme un mandat d’intérêt commun.
Le jugement caractérise l’intérêt commun dans ce type de contrat comme étant lié au développement et à l’essor de la carrière artistique de l’artiste en se fondant, notamment, sur les modalités de calculs des commissions basées sur les rémunérations de l’artiste.
Dans cette affaire, le Tribunal de grande instance de Paris rappelle que compte tenu de l’intérêt commun du mandat, celui-ci ne peut pas être révoqué par la volonté de l’une des parties mais seulement de leur consentement mutuel ou selon les clauses et conditions contractuelles ou enfin, pour une cause légitime reconnue en justice.
En l’espèce, le Tribunal considère que le comédien ne justifiait d’aucune cause légitime de rupture du mandat dès lors que la circonstance tenant à ce que la majorité des engagements ait été obtenue directement par lui n’établissait pas pour autant une négligence de son agent.
Le jugement rappelle cependant que l’absence de cause légitime ne prive pas d’effets la révocation unilatérale du mandat d’intérêt commun, dès lors qu’il est à durée indéterminée, mais que dans ce cas, le mandant doit respecter un délai de préavis raisonnable
A défaut de respect d’un tel préavis, la partie ayant pris l’initiative de la révocation s’expose à être condamnée à des dommages et intérêts.
En l’espèce, relevant l’absence de contrat écrit et par conséquent de clause conventionnelle régissant les modalités de la rupture, le Tribunal se réfère aux usages de la profession pour apprécier le caractère raisonnable du préavis.
A cet égard, le jugement s’appuie sur différentes attestations dont celle d’un agent artistique indiquant : « Je n’impose aucun délai de préavis pour les comédiens qui souhaitent quitter l’agence, ni de rétrocession de commission en l’absence de mandat écrit (…). Lorsque j’ai fait signer des mandats écrits, j’ai demandé une rétrocession de commission qui s’élevait au maximum à 50% sur 6 mois ce qui, me semble-t-il, correspond aux usages de la profession » ainsi que sur le « mandat d’artiste à agent artistique » établi par le syndicat français des agents artistiques prévoyant également un préavis de 6 mois en cas de rupture des relations contractuelles.
Sur le fondement des usages ainsi rapportés, le Tribunal considère qu’en l’espèce l’indemnité compensatrice légitime de l’agent artistique doit prendre en compte 50% « des commissions perçues pendant les 6 mois suivant la dénonciation du mandat ».
Enfin, le Tribunal rejette la demande de l’agent qui sollicitait 10 % de tous les cachets perçus par le comédien au titre des épisodes d’une série jusqu’à la fin de ladite série au motif qu’il aurait obtenu pour le compte de l’artiste le premier contrat d’interprète de ladite série. Le Tribunal s’est fondé sur l’absence de stipulations contractuelles et de pièces établissant l’existence d’un tel usage.
Cette décision souligne l’importance de la clarté des clauses contractuelles, étant rappelé qu’en application du décret n°2011-517 du 11 mai 2011 (codifié à l’article R.7121-6 du code du travail) l’artiste et l’agent doivent désormais conclure un mandat écrit qui doit notamment préciser les missions confiées et les modalités pour rendre compte de leur exécution périodique, les conditions de rémunérations ainsi que le terme du mandat ou les autres modalités par lesquelles il prend fin.
Dorothée SIMIC