Marque : l’antériorité constituée par le droit d’auteur
Les deux décisions commentées sont l’occasion de rappeler qu’une création protégée par le droit d’auteur constitue une antériorité forte de nature à interdire le dépôt et l’usage d’une marque identique, d’autant que le droit d’auteur n’est pas soumis au principe de spécialité régissant le droit des marques.
Dès lors la recherche d’antériorités en matière de marque ne saurait se limiter à la seule recherche de marques antérieures.
Dans la première affaire, Win Wenders, réalisateur, et la société de production Argos Film s’opposaient à la commercialisation d’un parfum sous la marque « Les Ailes du désir », identique au titre du film ayant obtenu la palme d’or du Festival de Cannes en 1987.
En défense, le titulaire de la marque « Les Ailes du désir » déposée en 2010 en classes 03 pour notamment les parfums et 04 pour les bougies, faisait valoir l’absence d’originalité du titre.
Le tribunal rappelle que les titres sont éligibles à la protection par le droit d’auteur, dès lors qu’ils présentent un caractère original, l’originalité du titre devant se caractériser indépendamment de l’œuvre qu’il identifie, peu important la qualité ou la notoriété de celle-ci. En l’espèce, les juges vont procéder à une analyse de l’originalité du titre « Les Ailes du désir » et à cette occasion ils soulignent que l’originalité ne se réduit pas à la nouveauté. Le tribunal rejette ainsi les antériorités présentées en défense en relevant que les usages antérieurs de l’expression ne sont pas de nature à établir un emploi courant de celle-ci, ni qu’elle aurait déjà été utilisée en tant que titre d’une œuvre.
Au contraire, les juges retiennent que le titre « les Ailes du désir » ne reprend pas une expression du langage courant de la langue française et que la signification de ce titre est originale par rapport aux emplois antérieurs, le titre portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, Win Wenders, traduisant le cheminement de la pensée de l’auteur lors de la création.
Dès lors que l’originalité du titre est reconnue, ce dernier bénéficie de la protection par le droit d’auteur et il constitue, par conséquent, une antériorité opposable au dépôt d’une marque, en application de l’article L 711-4 du Code de la propriété intellectuelle.
La marque postérieure identique au titre du film est donc annulée.
En revanche, le tribunal rejette la demande formée sur le fondement du parasitisme en relevant que dès lors que le produit avait été offert à la vente sous une autre marque que le titre, la société n’avait pu bénéficier de l’avantage procuré par la reprise du titre du film.
Dans la seconde affaire, le tribunal de l’Union Européenne (TUE), saisi d’une action en nullité d’un dessin et modèle communautaire sur le fondement d’un droit d’auteur antérieur, annule le modèle communautaire déposé.
L’intérêt de cette décision réside essentiellement dans la comparaison effectuée par le TUE entre l’œuvre et le dessin et modèle litigieux, le tribunal ayant refusé d’examiner le caractère original de l’œuvre invoquée au motif que ce moyen non présenté devant l’OHMI était nouveau.
Les juges communautaires rappellent que s’agissant d’une action en nullité en raison d’un droit d’auteur antérieur, l’issue du litige dépend uniquement du point de savoir « si le dessin ou modèle contesté comporte une utilisation non autorisée de l’œuvre protégée par la législation sur le droit d’auteur de l’état membre concerné ». Il n’y a donc pas lieu de comparer les modèles en conflit dans leur ensemble mais uniquement de déterminer si l’œuvre protégée par le droit d’auteur était utilisée dans le modèle postérieur, les différences invoquées, notamment en l’espèce entre les pièces de vaisselle étant dépourvues de pertinence.
Il convient cependant de souligner, d’un point de vue factuel, que les créations en cause dans cette affaire, pièces de vaisselle et de décoration, s’étaient vues refuser la qualification d’œuvres de l’esprit par les juridictions françaises, les décisions, non définitives, étant toutefois intervenues postérieurement à la décision de la chambre des recours de l’OHMI.
Florence DAUVERGNE
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