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Cass. Crim. 10 mai 2016, 14-85318

Le délit de conclusion illicite de contrats de mise à disposition de travailleurs temporaires est caractérisé en cas de recours abusif au travail temporaire. La consultation préalable du Comité d’entreprise est nécessaire pour mettre fin à un recours massif à l’intérim.

Si la sanction civile de requalification en contrat à durée indéterminée du recours abusif au travail temporaire est redoutée, les sanctions pénales d’un tel recours abusif ne vont pas tarder à le devenir également.

Le travail intérimaire étant précaire par nature, il est encadré strictement par la loi.

Le contrat de mission ne peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice (C.trav.arts.L.1251-5 et s.). S’il en est ainsi, l’entreprise utilisatrice est directement sanctionnée du fait de la reconnaissance d’un contrat de travail à durée indéterminée entre le travailleur temporaire et l’entreprise utilisatrice (C.trav.art.L.1251-40).

L’arrêt du 10 mai dernier nous offre une illustration des conséquences pénales pour l’entreprise utilisatrice d’un recours massif aux travailleurs temporaires, en apportant une précision inédite sur la nécessité de consulter le Comité d’entreprise pour stopper cette pratique.

Une société exerçant une activité de fabrication de filtres diesel et employant plus de 20% de travailleurs temporaires sur la totalité de ses effectifs (soit 120 intérimaires sur 600 salariés !), annonce au Comité d’entreprise que les contrats de travail temporaire ne seraient pas reconduits. Elle indique également, peu de temps après, qu’une restructuration sera susceptible d’entrainer la suppression de 14% des emplois.

Dans ces circonstances, l’inspecteur du travail dresse deux procès-verbaux : l’un pour recours abusif à des contrats de travail temporaire et licenciement collectif sans notification à l’autorité administrative, et l’autre, pour entrave au fonctionnement régulier du Comité d’entreprise.

En première instance, la société obtient gain de cause et est relaxée ; tandis qu’elle est condamnée en appel et la Cour de cassation rejette son pourvoi.

Pour caractériser le recours abusif au travail temporaire, les juges du fond dressent un constat sans appel. Non seulement le nombre d’intérimaires n’a cessé de croître pour dépasser 20% des effectifs en 2007 et 2008 ; mais encore, il concerne plus de 50% des effectifs de l’entreprise dans certains secteurs. En outre, les contrats sont conclus pour palier au remplacement de salariés absents, tant du fait de causes accidentelles, que de celles résultant du fonctionnement normal et permanent de l’entreprise, comme les congés et les périodes de formation.

La Cour de cassation approuve donc la Cour d’appel d’avoir caractérisé le délit de conclusion illicite de contrats de mise à disposition de travailleurs temporaires, résultant du détournement du cadre légal du fait de l’utilisation d’un recours massif à l’intérim en mode habituel de gestion (C.trav.art.L.1255-3).

Une deuxième infraction est constatée par la Cour d’appel et confirmée par la Cour de cassation : celle d’entrave au fonctionnement régulier du Comité d’entreprise.

En effet, l’employeur est tenu d’informer et de consulter le Comité d’entreprise sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs (C.trav.art.L.2323-1).

La société a soutenu que, le travail temporaire se caractérisant par un terme intervenant automatiquement, ne constitue pas une réelle décision que celle d’y mettre fin. Elle a invoqué également le fait que les travailleurs temporaires n’intègrent pas les effectifs de la société utilisatrice.

Ces arguments ont été balayés par la Cour de cassation, qui a confirmé l’existence du délit d’entrave, en précisant que les contrats de travail temporaire supprimés s’analysaient en contrats de travail à durée indéterminée, conséquence du délit de recours abusif.

De par l’ampleur et la pérennité du recours abusif au travail temporaire, conduisant à une requalification des contrats, la consultation du Comité d’entreprise s’imposait s’agissant de la décision de mettre fin à ce recours de nature à affecter les effectifs.

Surprenant au premier abord, cet arrêt illustre un raisonnement des juges calqué à la réalité de l’entreprise.

Manon CAVATORE

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