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Arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 10 juillet 2024, n°22-15.836

Si les statuts ne contiennent aucune stipulation spécifique concernant la modification des droits attachés à des actions de préférence, le consentement individuel des titulaires de ces actions de préférence est requis pour procéder à une telle modification.

Toute opération emportant modification des droits attachés à des actions de préférence constitue une conversion de ces actions de préférence même si elles continuent d’être désignées sous le même intitulé. Dès lors, les associés titulaires de ces actions devant être modifiées ne peuvent pas prendre part au vote portant sur cette modification.

En l’espèce, une société sous forme de SAS avait créé en 2007 des actions de préférence « P » donnant droit, conformément aux stipulations de ses statuts, à un dividende prioritaire correspondant à 8% du prix de souscription de ces actions ou à 50% du bénéfice net consolidé.

Deux investisseurs avaient ensuite acquis en 2015 des actions de préférence « P ». Quelques mois après cette acquisition, l’assemblée générale extraordinaire de la société avait réduit le montant du dividende prioritaire attaché aux actions de préférence (en réduisant les pourcentages susvisés) et avait en conséquence modifié les statuts de la société.

Les deux nouveaux associés ont assigné la société pour demander la nullité des résolutions de cette assemblée générale extraordinaire et le paiement de sommes à titre de complément de dividendes. La Cour d’appel de Lyon n’ayant pas fait droit à leurs demandes, ils ont formé un pourvoi en cassation.

  1. Consentement individuel de chaque titulaire d’actions de préférence

Alors que la Cour d’appel de Lyon avait jugé qu’aucune disposition légale n’exige que le consentement des associés à la modification des droits particuliers attachés à certaines actions soient recueillies, la Cour de cassation a considéré qu’il résulte du premier alinéa de l’article 1134 du code civil (dans son ancienne rédaction, aujourd’hui article 1103 du code civil) que lorsque les statuts ne prévoient pas les modalités selon lesquelles les droits attachés aux actions de préférence peuvent être modifiés, le consentement individuel de tous les titulaires de ces actions de préférence est requis pour procéder à une telle modification.

La Cour de cassation fait ici application du principe de la force obligatoire du contrat qui a pour conséquence qu’aucun contrat ne peut être modifié sans le consentement préalable de chacune des parties audit contrat (en l’espèce, les statuts auxquels est partie chaque associé).

Il est donc important si une société veut pouvoir modifier les modalités attachées aux actions de préférence sans recueillir l’accord préalable individuel de chaque titulaire de ces actions de prévoir expressément dans ses statuts les conditions nécessaires pour modifier les droits des actions de préférence (par exemple, approbation par une assemblée spéciale des porteurs des actions de préférence. En effet, dans une SAS, une telle approbation n’est pas obligatoire légalement).

  1. Conversion des actions de préférence

Sur le fondement de l’article L228-15 alinéa 2 du Code de commerce qui dispose « les titulaires d’actions devant être converties en actions de préférence de la catégorie à créer ne peuvent, à peine de nullité de la délibération, prendre part au vote sur la création de cette catégorie (…). », la Cour de cassation considère que constitue une conversion d’actions au sens et pour l’application de ce texte toute opération emportant modification des droits attachés aux actions converties.

Dès lors, quand bien même ces actions continuaient d’être désignées sous le même intitulé, les associés titulaires d’actions de préférence « P » n’auraient pas dû prendre part au vote sur la modification du dividende prioritaire attaché à ces actions et que, dès lors, les résolutions litigieuses étaient entachées de nullité.

La Cour de cassation fait donc une lecture large de la notion de conversion d’actions en précisant néanmoins que c’est au sens et pour l’application de l’article L228-15 du Code de commerce.

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