Négociations commerciales : la Cour d’appel administrative confirme la sanction de Carrefour pour non-respect de la date butoir relative à la conclusion des conventions uniques

Par suite d’un contrôle de la DIRECCTE d’Ile-de-France portant sur le respect des dispositions relatives à la formalisation de la relation contractuelle entre distributeurs et fournisseurs, la DIRECCTE a sanctionné la société INTERDIS (centrale d’achat pour le groupe Carrefour) (« Carrefour ») à une amende de 2 931 000 euros en raison du dépassement, à 157 reprises (conventions uniques), de la date limite de signature de la convention unique.

Carrefour avait demandé au tribunal administratif de Versailles l’annulation du titre de perception de l’amende émis à son encontre et, à défaut, d’en réduire le montant.

Par un jugement du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ces demandes, raison pour laquelle Carrefour a interjeté appel afin d’obtenir, à titre principal, l’annulation du jugement rendu en première instance ou, à titre subsidiaire, une réduction du montant de l’amende.

Carrefour invoque qu’en se voyant infligée une sanction au seul motif de l’absence de conclusion d’une convention unique à la date butoir du 1er mars avec certains fournisseurs, sans s’interroger sur l’imputabilité de ce manquement aux fournisseurs et à leurs défaillances, la DIRECCTE aurait fait une mauvaise application des dispositions de l’article L. 441-7 (ancien) du Code de commerce[1].

Par un arrêt du 11 mars 2025, la cour administrative d’appel (« CAA ») de Versailles énonce qu’il a été constaté qu’au 1er mars 2019, Carrefour n’avait pas encore conclu avec 157 fournisseurs les conventions écrites prévues par les dispositions de l’article L. 441-7 du Code de commerce alors applicable.

Bien que Carrefour demande à ce qu’il soit tenu compte du fait que les fournisseurs concernés étaient également responsables du dépassement de cette date butoir, cette dernière renvoie uniquement à l’attitude de quelques fournisseurs cités en exemple dans ses écritures de première instance et ne fournit, au stade de l’appel, que des documents relatifs à des échanges de courriels avec un seul autre fournisseur qui ne permet pas d’attribuer à ce dernier la seule responsabilité du dépassement de la date butoir.

La CAA de Versailles constate que le dépassement de la date butoir ne saurait trouver sa cause dans le comportement des fournisseurs concernés, dont il n’est pas contesté qu’ils avaient tous remis leurs conditions générales de vente au distributeur avant le 1er décembre 2018, le terme légalement fixé.

En outre, 122 des 157 conventions conclues tardivement présentaient des dégradations tarifaires consenties par les fournisseurs, démontrant de ce fait leurs diligences dans les négociations destinées à parvenir à un accord annuel.

En conséquence, il ne saurait être soutenu que la signature tardive des conventions uniques serait due à l’absence de diligences des fournisseurs, de sorte que, la DIRECCTE a fait une exacte application des dispositions de l’article L. 441-7 du Code de commerce en sanctionnant seulement Carrefour pour le dépassement de ce délai. La requête en annulation de Carrefour est donc rejetée.

Cet arrêt illustre une nouvelle fois la rigueur des dispositions relatives au respect de la date butoir qui viennent sanctionner le non-respect, par un distributeur, du formalisme légal peu important l’existence ou non d’un préjudice constaté, et rappelle à cet égard l’importance, pour les fournisseurs, d’être actifs dans la conduite des négociations et notamment de respect du terme légal d’envoi de leur CGV.

Cet arrêt s’inscrit dans la suite de l’arrêt du 21 décembre 2023 de la cour d’appel de Versailles par lequel cette dernière avait rejeté la demande formulée par Carrefour de condamner un fournisseur au remboursement de la moitié de la sanction administrative prononcée à son encontre au motif que le fournisseur en question aurait été co-responsable de la signature tardive de la convention unique[2].


[1] Désormais article L. 441-3 du Code de commerce

[2] CA Versailles, 21 décembre 2023, n° 21/06836