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CJUE, 2 avr. 2020, aff. C-735.18, Stim et SAMI c/ Fleetmanager Sweden et Nordisk Biluthyrning

Föreningen Svenska Tonsättares Internationella Musikbyrå u.p.a., ci-après « Stim » et Svenska artisters och musikers intresseorganisation ek. för., ci-après « SAMI » sont des organisations suédoises de gestion collective : des droits de compositeurs d’œuvres musicales et de leurs éditeurs pour la première et, des droits voisins des artistes interprètes ou exécutants pour la seconde.

A l’occasion de deux litiges opposant ces deux organisations à des sociétés de location courte durée de véhicules automobiles (Fleetmanager Sweden et Nordisk Biluthyrning, ci-après « NB »), la CJUE a été amenée une fois de plus à préciser les contours de la notion de communication au public d’une œuvre.

Il lui était cette fois demandé si la location de véhicules équipés de postes de radio constitue une « communication au public », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 et de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115, avec pour conséquence tant la nécessaire autorisation des auteurs ainsi que leur rémunération, que le versement d’une rémunération équitable due aux artistes interprètes au titre de leurs droits voisins en raison de l’exploitation de leur phonogramme dans le cadre d’une telle radiodiffusion.

Pour rappel, ces dispositions, transposées en droit suédois, prévoient respectivement en substance le droit exclusif pour les auteurs d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ainsi que le droit des artistes-interprètes à percevoir une rémunération équitable lorsqu’un phonogramme est utilisé pour une radiodiffusion.

Stim estimait que Fleetmanager, mettant à la disposition de tiers (des sociétés de location de véhicules automobiles), des véhicules équipés de postes de radio pour des locations de courte durée à des clients particuliers, contribuait aux atteintes au droit d’auteur commises par ces sociétés, qui auraient mis des œuvres musicales à la disposition du public, sans disposer d’une autorisation pour ce faire. SAMI considérait, pour sa part, que la mise à disposition par NB de postes de radio dans les véhicules de location rendait les enregistrements sonores audibles pour les occupants et constituait de ce fait une communication au public.

Le tribunal de 1re instance de Suède jugea que la location de véhicules équipés de postes radio impliquait une « communication au public » des œuvres musicales, ouvrant droit à indemnisation de leurs auteurs. La responsabilité de Fleetmanager, qui n’aurait pas participé à cette atteinte aux droits des auteurs, fut cependant écartée et le recours de Stim rejeté.

Le Tribunal de la propriété intellectuelle et des affaires économiques, décida quant à lui, que la loi suédoise de 1960, transposant la directive 2001/29, devait être interprétée d’une manière conforme à cette dernière et que, selon la jurisprudence de la CJUE, l’utilisation d’un phonogramme visée à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115, à savoir pour une radiodiffusion, correspond à une « communication au public » au sens de l’article 3, paragraphe 1 de la première directive. Dès lors, la mise à disposition de postes de radio dans les véhicules de location par NB rendait, d’après cette juridiction qui se prononça en faveur de la SAMI, les enregistrements sonores audibles pour les occupants et constituait donc une communication au public, justifiant que soient indemnisés les artistes interprètes par l’intermédiaire de la SAMI.

Toutefois, Stim et SAMI ayant été toutes deux déboutées en appel, la Cour Suprême fut saisie et une nouvelle précision finalement demandée à la Cour de Justice.

Celle-ci rappelle la jurisprudence constante selon laquelle deux éléments cumulatifs sont requis pour qu’il y ait communication au public d’une œuvre, à savoir le fameux acte de communication et une communication à un public. Une appréciation individualisée est nécessaire selon la Cour, au regard de critères dits « complémentaires de nature non autonomes et interdépendants les uns par rapport aux autres », qui doivent être appliqués individuellement mais aussi dans leur interaction avec les autres.

Mais surtout, et pour fonder sa décision, la CJUE souligne « itérativement » le rôle incontournable de l’utilisateur et du caractère délibéré de son intervention. En effet, l’utilisateur procède à un acte de communication lorsqu’il intervient en pleine connaissance des conséquences de son comportement pour donner à ses clients accès à une œuvre qui est protégée et que, en l’absence de cette intervention, les clients ne pouvaient, ou que difficilement, jouir de ladite œuvre.

Or, faisant référence au considérant 27 de la directive 2001/29 selon lequel « la simple fourniture d’installations destinées à permettre ou à réaliser une communication ne constitue pas en soi une communication au sens de cette directive », la Cour distingue la fourniture d’un poste de radio intégré à un véhicule de location, permettant de capter, sans intervention additionnelle de la société, la radiodiffusion terrestre accessible dans la zone où le véhicule se trouve, des cas de communication délibérés, par des prestataires qui distribuent un signal au moyen de récepteurs installés dans des établissements. De ce fait, la CJUE opère une distinction avec la jurisprudence relative aux services hôteliers selon laquelle, constitue une communication au public obligeant l’hôtelier à rémunérer les auteurs, la mise à disposition par celui-ci de téléviseurs dans les chambres de son établissement (CJCE, 7 déc. 2006, SGAE).

Elle conclut par conséquent que la mise à disposition du public de véhicules équipés de poste de radio ne constitue pas un acte de communication par les sociétés de location, tout en se fondant sur la jurisprudence selon laquelle le critère public ou privé de l’endroit où a lieu la communication est sans incidence. La Cour écarte, de surcroit, l’argument des sociétés de gestion collective selon lequel les sociétés de location mettent à disposition de leurs clients des espaces qu’elles qualifient de « public », jugeant que la fourniture d’un tel espace, tout comme des postes de radio eux-mêmes, ne constitue pas un acte de communication au public.

En somme, par cette décision, la CJUE apprécie le critère de communication au public de manière uniforme, sans distinguer les œuvres des phonogrammes, et donc le droit exclusif des auteurs du droit à rémunération des interprètes.

Constance LIGNEL-DE SANTI

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