la Cour de Cassation subordonne la validité d’une clause de non-concurrence d’un actionnaire également salarié à la présence d’une contrepartie financière.
Selon une décision de la cour de cassation du 15 mars 2011, la clause de non-concurrence souscrite par un salarié actionnaire n’est valable que si elle remplit les conditions cumulatives suivantes :
– comporter l’obligation pour la société de verser une contrepartie financière,
– être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise,
– être limitée dans le temps et dans l’espace,
– tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié.
Du fait de cet arrêt de cassation, de telles conditions (qui furent posées pour la première fois en 2002 par la chambre sociale de la Cour de cassation2), sont désormais requises dans les pactes d’actionnaires auxquels serait partie tout salarié de la société employeur concernée.
Cette décision constitue donc un alignement des pactes d’actionnaires sur la jurisprudence sociale en matière de clauses de non-concurrence prévues dans les contrats de travail. Sa nouveauté résulte essentiellement dans l’exigence d’une contrepartie financière comme condition de validité de la clause.
La Cour de Cassation laisse entendre que c’est en raison de sa qualité de salarié que le débiteur de la clause peut bénéficier de ces protections. Sa décision est donc a priori dépourvue de portée à l’égard des clauses de non-concurrence liant un dirigeant, un actionnaire ou un associé ne disposant pas, par ailleurs, de la qualité de salarié.
Accessoirement, notons que cet alignement de la chambre commerciale sur la chambre sociale ne repose pas sur le même fondement juridique :
– selon la chambre sociale, la solution découle du principe de libre exercice d’une activité professionnelle et de l’interdiction légale d’apporter des restrictions injustifiées ou disproportionnées au contrat de travail (C. trav. art. L 1121-1 ; ex-art. L 120-2).
– la chambre commerciale, outre la liberté d’exercer une activité professionnelle, vise l’article 1131 du Code civil qui sanctionne les obligations sans cause, ce qui est assez rare.
Doit-on déduire de ce fondement, tiré du droit commun des contrats et non du seul droit du travail, que l’exigence d’une contrepartie financière pourrait avoir vocation à s’appliquer à toute clause mise à la charge d’un associé, même non salarié de la société ? La solution mériterait d’être confirmée compte-tenu de l’absence de nécessité de contrepartie financière dans d’autres cas de figures3.
La doctrine a relevé que cette jurisprudence devrait s’appliquer également aux clauses souscrites avant 2011… La question se pose dès lors des actions à mener pour éviter le spectre d’une telle rétroactivité.
Cette jurisprudence met donc a priori un coup d’arrêt à la pratique qui consistait à éviter le versement d’une contrepartie financière en faisant souscrire à des salariés actionnaires des engagements de non-concurrence dans un pacte d’actionnaires et non dans le contrat de travail.
Toutefois, rien n’interdit de réfléchir à certaines pistes afin de satisfaire le critère de la contrepartie financière :
– prévoir comme contrepartie ou « cause » l’attribution en amont d’actions pour un prix « avantageux » (ce dont l’arrêt d’appel avait tenu compte en l’espèce, mais l’argument fût censuré car il ne figurait pas littéralement dans le pacte) ;
– compte-tenu du fait que dans un nombre important de pactes, la clause de non concurrence ne se déclenche qu’après la cession des actions, ériger en cause « par anticipation » le produit de la cession future des titres (ce qui est souvent exprimé de manière implicite dans les pactes mais pourrait être clairement prévu), ceci comportant néanmoins l’aléa d’une absence de cession.
Guillaume LECLAIR