Le Tribunal de grande instance de Paris a condamné Apple à verser à Copie France une provision de 5 millions d’euros au titre de la rémunération pour copie privée (dont le principe résulte de l’article L.311-1 du Code de la propriété intellectuelle) concernant la commercialisation des tablettes numériques d’Apple en 2011.
A l’origine de ce litige, Apple contestait la décision n°13 du 12 janvier 2011 de la Commission (prévue par l’article L.311-5 du Code de la propriété intellectuelle) soumettant les tablettes tactiles multimédia à la rémunération pour copie privée, selon un barème s’appliquant provisoirement jusqu’au 31 décembre 2011(dans l’attente de l’adoption d’un barème définitif).
C’est dans ce contexte que la société Apple a d’une part saisi la juridiction administrative – qui ne s’est pas encore prononcée – d’une requête en annulation de cette décision, en faisant notamment valoir que celle-ci avait été adoptée précipitamment sans étude d’usage et par référence au barème fixé pour les téléphones portables (selon la décision n°11, qui a elle-même était annulée), et a d’autre part, saisi la juridiction judiciaire, en demandant que la créance de la société Copie France à son encontre soit déclarée infondée.
Le Tribunal de grande instance de Paris a admis la recevabilité de l’action d’Apple en considérant notamment, que le fait que les sommes réclamées par Copie France aient déjà été perçues auprès des consommateurs (même si cela « pose éventuellement la question d’une restitution aux consommateurs finals dans le cas où la créance de Copie France se verrait définitivement privée de tout fondement ») ne peut priver Apple du droit de saisir le Tribunal, et qu’Apple n’a pas perçu les sommes en cause dans un but d’enrichissement injustifié mas afin de préserver légitimement sa situation.
Dans son jugement du 30 mai 2013, le Tribunal a naturellement rappelé qu’il n’appartient pas au juge judiciaire de statuer sur la légalité d’un acte administratif et que la décision n°13 demeurait exécutoire tant que le Conseil d’Etat ne l’avait pas annulée. Considérant par ailleurs que les moyens soulevés par Apple (reposant sur des décisions antérieures d’annulation du Conseil d’Etat) présentaient un caractère suffisamment sérieux, le Tribunal a sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la juridiction administrative déjà saisie.
Concernant la demande reconventionnelle de Copie France, tenant à l’allocation d’une provision de plus de 7 millions d’euros, le Tribunal a estimé que l’éventuelle annulation de la décision n°13 de la Commission par la juridiction administrative n’affectait pas la validité de l’article L.331-1 du CPI, cette décision n’étant qu’une « simple modalité pratique de mise en œuvre de ce principe et elle ne doit pas être considérée comme une règle spéciale qui dérogerait à une règle générale, laquelle ne pourrait lui être substituée, mais simplement comme une application de la loi nationale, elle-même conforme au droit communautaire qui demande aux Etats qui admettent l’exception de copie privée, d’organiser une compensation équitable ». Le Tribunal a ainsi jugé que la société Copie France était bien fondée à invoquer le principe de la rémunération pour copie privée afin de solliciter une indemnité provisionnelle.
Le Tribunal rappelle en effet que la loi met à la charge des fabricants et importateurs d’appareils d’enregistrement le paiement d’une compensation équitable (à charge pour eux de la répercuter sur le consommateur final) et que les sociétés Apple (qui reconnaissent avoir collecté le montant de la rémunération pour copie privée auprès des consommateurs) sont bien les débiteurs de l’indemnité due à Copie France.
Au vu des éléments d’appréciation qui lui ont été soumis, et notamment des barèmes prévus par la décision n°14 de la commission (qui fait également l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat), le Tribunal a condamné Apple à verser à Copie France une provision de 5 millions d’euros (à valoir sur le montant de la compensation équitable pour la période de février à décembre 2011) et a ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Dorothée SIMIC
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