Pas d’annulation d’une marque pour fraude en l’absence de preuve d’intérêts sciemment méconnus par le déposant
Com., 12 décembre 2018
La Cour de cassation rappelle que l’annulation d’une marque pour fraude ne suppose pas la justification de droits antérieurs sur le signe litigieux mais la preuve d’intérêts « sciemment » méconnus par le déposant.
En l’espèce, la Ville de Paris a mis en place à compter de 2007 un service de mise à disposition de bicyclettes en libre-service dénommé « Vélib’ ». En 2011, elle a également ouvert un service de mise à disposition de voitures électriques en libre-service dénommé « Autolib’ ». En 2011, la Ville de Paris a obtenu l’enregistrement de la marque verbale française « Scootlib’ Paris ».
Toutefois, la marque française « Scootlib’ » avait été déposée par une société tierce qui avait obtenu son enregistrement dès 2007.
La Ville de Paris soutenait que cet enregistrement de la marque « Scootlib’ » devait être annulé en raison de son caractère frauduleux. Elle soutenait que ce dépôt de marque avait été effectué de mauvaise foi, « dans le but de profiter du succès et de la notoriété immédiate du service exploité par la Ville de Paris sous la marque « Vélib’ » ». Selon la Ville de Paris, la mauvaise foi du déposant de la marque « Scootlib’ » pouvait également se déduire de l’adoption, postérieurement au dépôt, d’une charte graphique proche de celle développée pour le service « Vélib’ ».
Par son arrêt, la Cour de cassation confirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 26 mai 2017, qui avait refusé d’annuler la marque « Scootlib’ » pour fraude.
La Cour de cassation juge que la Cour d’appel a « exactement relevé que l’annulation d’une marque pour fraude ne suppose pas la justification de droits antérieurs sur le signe litigieux mais la preuve d’intérêts sciemment méconnus par le déposant ». Or, selon la Cour, il n’était « pas établi que la mise en œuvre d’un projet « Scootlib’ » avait fait l’objet d’une évocation publique avant le dépôt de la marque « Scootlib’ », la communication faite autour du Vélib’ révélant au contraire « une volonté politique de désengorger Paris de ses véhicules à moteur « afin d’aller vers des processus de déplacement plus écologiques, dont le vélo était le principal vecteur » ».