Dans cette affaire, une plasticienne française, connue pour être à l’origine d’un courant artistique nommé « l’art charnel », a assigné la chanteuse Lady Gaga et Universal Music devant le tribunal de grande instance de Paris afin de les voir condamnés pour contrefaçon de droit d’auteur et parasitisme.
Dans un premier temps, elle considérait qu’au sein du clip « Born this way » ainsi que sur la pochette du single associée, la chanteuse pop et la maison de disque avaient reproduit délibérément trois de ses œuvres et s’étaient appropriés tout son effort créatif, ce qui constituait des actes de contrefaçon. Ainsi, elle réclamait la somme de 31.5 millions de dollars (près de 27 millions d’euros) de dommages intérêts, demandait l’arrêt de la diffusion du clip ainsi que l’interruption de la commercialisation de la pochette du single.
Tout d’abord, les juges ont relevé qu’aucune caractéristique de l’œuvre « Woman with head » n’était reprise par Lady Gaga, pas même celle de la tête de femme décapitée posée sur une table, ceci ayant pour conséquence de montrer qu’aucun acte de contrefaçon n’était constitué.
Ensuite, concernant « Bumpload », soi-disant reprise sur la pochette du single et dans le clip, le tribunal a estimé qu’il n’existait aucune ressemblance entre les deux œuvres et que la plasticienne ne pouvait s’approprier « la représentation d’un corps humain transformé en personnage hybride de façon générale, car il s’agit d’une simple idée non appropriable qui doit rester libre de parcours ». Par conséquent, les faits de contrefaçon de l’œuvre n’ont également pas été retenus.
Et enfin, concernant la dernière œuvre « le visage à 4 implants », le tribunal de grande instance a estimé que la demanderesse n’apportait aucunement la preuve qu’elle était titulaire des droits d’auteur sur l’œuvre, ni même ne démontrait en réalité l’existence d’une œuvre protégeable par le droit d’auteur, la description imprécise de l’œuvre par l’auteur rendant impossible sa caractérisation.
Le tribunal n’a donc pas soutenu l’analyse et a estimé qu’aucun acte de contrefaçon ne pouvait être retenu en l’espèce.
Dans un deuxième temps, les magistrats ont dû se prononcer sur les demandes additionnelles qui tendaient à démontrer qu’étaient constitués des actes de parasitisme. La plasticienne prétendait que Lady Gaga avait commis de tels actes en reproduisant son univers, notamment en s’inspirant directement de différentes œuvres et en s’appropriant son image, ce qui lui permettait de se placer dans son sillage pour bénéficier de sa renommée.
Les juges ont répondu, après examen de plusieurs œuvres versées aux débats, qu’il n’existait aucun élément commun, ni ressemblance entre ces œuvres spécifiques créées par la plasticienne et le vidéo clip de « Born this way », et que donc il ne saurait y avoir un quelconque emprunt à l’univers de l’artiste.
Concernant le reste des œuvres présentées à l’audience, les magistrats ont estimé que le clip ne faisait que reprendre des symboles utilisés de façon usuelle, ou des idées couramment utilisées dans le milieu de l’art ou bien même des éléments banals appartenant à un courant de la mode, et qu’en conséquence Lady Gaga n’a pas emprunt’ d’éléments de l’univers de la demanderesse.
En dernier lieu, les juges français ont déclaré, en analysant les photographies versées aux débats, que Lady Gaga ne copiait pas l’image de la plasticienne mais mettait en scène sa propre image ainsi que son propre personnage dans le clip, d’autant plus que la chanteuse est « une artiste reconnue et connue pour ses frasques vestimentaires ».
En tout état de cause, il est souligné à propos de l’œuvre « Le manifeste de l’art charnel » que l’artiste « ne peut se revendiquer auteur d’un courant artistique, […] puisque un courant artistique ne peut être protégé en lui-même car il est destiné à accueillir tous ceux qui entendraient s’en revendiquer ».
Le tribunal de grande instance a ainsi débouté la demanderesse de toutes ses demandes et l’a condamnée à payer la somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
En définitive, cet arrêt illustre parfaitement le fait que d’une part, pour bénéficier de la protection offerte par le droit d’auteur, il est nécessaire que l’œuvre de l’esprit soit véritablement reproduite, qu’elle ne peut être protégée si elle est une simple idée et qu’il ne peut y avoir de protection que si l’auteur démontre être titulaire des droits sur l’œuvre.
D’autre part, s’il est d’agir sur le fondement du parasitisme pour sanctionner l’emprunt d’éléments de l’univers d’un artiste, cette protection reste subordonnée à ce que des œuvres protégeables de cet univers en question soient reprises par le prétendu fautif. Il est donc nécessaire que l’on puisse retrouver des éléments communs entre les œuvres, et que ces œuvres ou idées ne soient pas usuelles ou communes. En l’absence de ces exigences, les juges ne pourront reconnaître les actes de parasitisme.
L’affaire n’est cependant pas encore terminée, car il a été formé appel de la décision et en parallèle, une procédure a été lancée devant les tribunaux américains.
Geoffroy POUSSET