La violation du droit à l’emploi ne justifie pas la nullité de la rupture d’un contrat de mission requalifié en contrat à durée indéterminée. Lorsque la requalification intervient postérieurement à la rupture, la poursuite de la relation contractuelle ne peut pas être ordonnée par le juge.
Passé l’effort de compréhension du mécanisme procédural de l’arrêt commenté, nous ne pouvons que constater l’éclairage important qu’apporte la Cour de cassation sur les conséquences d’une requalification obtenue après le terme du contrat.
D’autant que si la présente décision concerne un contrat de mission, elle a vocation à s’appliquer également au contrat à durée déterminée.
Il s’agit d’un salarié intérimaire qui, après avoir réalisé des missions successives auprès d’une société informatique, a saisi la formation de référé avant l’expiration de sa dernière mission, pour obtenir la requalification en contrat à durée indéterminée et la poursuite de la relation contractuelle.
Quelques jours avant la fin de sa mission, la formation de référé a ordonné la poursuite de la relation contractuelle jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la demande de requalification en contrat à durée indéterminée.
Postérieurement au terme initialement fixé de la mission du salarié, le conseil de prud’hommes a jugé la requalification en contrat à durée indéterminée. En outre, constatant que le contrat était toujours en cours et s’appuyant sur la décision rendue par la formation de référé, il a ordonné à son tour la poursuite du contrat.
Quelques temps après, l’ordonnance rendue par la formation de référé a été annulée en appel. Le contrat ne pouvait donc plus être considéré comme étant toujours en cours.
Pourtant, faisant fît de cette annulation, la Cour d’appel a confirmé le jugement du Conseil de prud’hommes, en ordonnant la requalification et la poursuite de la relation de travail. Elle a précisé alors que la poursuite du contrat était justifiée par le respect de la liberté fondamentale du salarié au maintien dans l’emploi, en raison de la violation des dispositions sur le recours au travail temporaire.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis et casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel au visa des articles L.1251-40, L.1251-41 et L.1121-1 du Code du travail.
D’une part, elle juge que le droit à l’emploi ne constitue pas une liberté fondamentale qui justifierait la poursuite du contrat au-delà du terme de la mission en cas d’action en requalification en contrat à durée indéterminée. Autrement dit, lorsque la requalification intervient postérieurement à la rupture de la relation de travail, la poursuite de la relation contractuelle ne peut pas être ordonnée par le juge car le droit à l’emploi n’est pas une cause de nullité de la rupture du contrat.
En effet, la jurisprudence assimile la nullité de la rupture du contrat requalifié (qui permet la poursuite du contrat ou la réintégration) à la nullité du licenciement (Cass. Soc. 30 octobre 2002, 00-45608 notamment). Aussi, elle n’est possible que si un texte le prévoit ou en cas de violation d’une liberté fondamentale. N’étant pas une liberté fondamentale, le droit à l’emploi ne pouvait donc pas être invoqué à ce titre.
D’autre part, la Cour de cassation considère que la Cour d’appel devait tenir compte de l’annulation de l’ordonnance de référé qui avait ordonné la poursuite du contrat. Celle-ci ayant été infirmée, la relation de travail avait donc pris fin au terme de la dernière mission.
En l’absence de nullité de la rupture du contrat requalifié après l’arrivée de son terme, la sanction est donc uniquement indemnitaire.
Par cette décision largement diffusée, la Cour de cassation semble revenir sur une position précédente. En effet, nous avions commenté il y a quelques mois un arrêt relatif à un contrat à durée déterminée, par lequel la Cour de cassation avait considéré que la perte d’emploi par la survenance du terme constituait un dommage imminent et jugé que le juge des référés était compétent pour ordonner, à titre provisoire et dans l’attente de la décision au fond, la poursuite du contrat toujours en cours (Cass. Soc. 8 mars 2017, 15-18560).
Manon CAVATORE