Le portage salarial était inscrit dans le Code du travail depuis une loi de 2008, mais n’était pas réglementé. Le Code du travail n’en donnait que la définition1 et avait renvoyé à la branche du travail temporaire, le soin d’organiser, par accord, le portage salarial. Ce qui avait été fait par l’ANI du 24 juin 2010, étendu par arrêté du 25 juin 2013. Cependant, depuis le 1er janvier 2015, le portage salarial n’avait plus de base juridique autre que la définition légale2.
L’ordonnance du 1er avril 2015 introduit dans le Code du travail un grand nombre de dispositions encadrant le portage salarial. Elle doit encore être complétée par une loi qui introduira un dispositif de sanctions civiles et pénales pour garantir, indique le rapport, l’application effective des règles définies. L’ordonnance est immédiatement applicable, mais elle doit être ratifiée par une loi dont le projet doit être déposé dans les cinq mois devant le Parlement.
Conditions de recours au portage salarial
Le fait que c’est le salarié porté qui trouve ses missions est consacré par l’ordonnance : un nouvel article L1254-2 du Code du travail prévoit que « Le salarié porté justifie d’une expertise, d’une qualification et d’une autonomie qui lui permet de rechercher lui-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d’exécution de sa prestation et de son prix. » Le salarié porté est donc a priori le premier interlocuteur de l’entreprise cliente (c’est la terminologie retenue par l’ordonnance, et non pas « utilisatrice » comme pour le travail temporaire). C’est lui qui propose ses services, et qui en négocie les conditions financières.
L’entreprise cliente devra prendre garde à ne pas s’engager avec un salarié qui ne justifie pas d’une expertise, d’une qualification et d’une autonomie suffisante. Il faut savoir que le salarié porté doit bénéficier, chez la société de portage, son employeur, d’une rémunération d’un niveau minimum qui est actuellement fixé, dans l’attente d’un accord de branche étendu, à 75% du plafond mensuel de la sécurité sociale pour une activité équivalent à un temps plein (soit 2.377,50 € pour 2015 – l’ordonnance ne le précise pas, mais on peut supposer qu’il s’agit d’une somme brute), plus une rémunération d’apporteur d’affaire de 5% de la rémunération, soit en l’état un montant brut minimum de près de 2.500€.
Les entreprises clientes ne peuvent recourir au portage que pour l’exécution d’une tache occasionnelle ne relevant pas de leur activité normale et permanente ou pour une prestation ponctuelle nécessitant une expertise dont elles ne disposent pas. Comme pour les CDD ou le travail temporaire, les cas de recours au portage sont limitativement encadrés, mais ils paraissent encore plus restrictifs. Ainsi, ils interdisent le recours au portage pour des tâches relevant de l’activité normale et permanente de l’entreprise cliente, alors que la réglementation des CDD et
travail temporaire permet de recruter sous ces formes pour des raisons d’accroissement temporaire d’activité, sous réserve que cela n’ait ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’utilisatrice. Pour ces cas le portage est tout simplement interdit. Il sera donc prudent, pour les entreprises clientes, de se fonder sur le deuxième cas de recours, et de justifier qu’il s’agit d’une prestation ponctuelle nécessitant une expertise dont elles ne disposent pas. On songe en particulier aux prestations informatiques très spécialisées.
Le recours au portage est interdit, comme les CDD ou les contrats d’intérim, pour remplacer un salarié gréviste, et pour les travaux particulièrement dangereux.
La durée de la prestation effectuée dans le cadre du portage ne peut excéder 36 mois. On notera que, contrairement aux CDD et missions d’intérim, l’ordonnance ne prévoit pas de délai de carence ou délai d’attente pour recourir à nouveau, pour la même mission, à un autre salarié porté. Mais le texte est rédigé en des termes assez larges et on pourrait l’interpréter comme interdisant de recourir au portage pour plus de 36 mois, pour une même mission, qu’elle soit effectuée par une ou plusieurs personnes successivement.
Bien que cela ne concerne pas directement l’entreprise cliente, il faut savoir que le salarié porté peut être employé par la société de portage par un CDD conclu pour un terme précis ou pour la réalisation d’un objet (dans ces deux cas il ne peut excéder 18 mois), ou pour une durée indéterminée. C’est dans ce dernier cas que la durée maximum de la mission peut aller jusqu’à 36 mois.
Contrat commercial avec la société de portage
Il convient également d’être vigilant dans la sélection de la société de portage. Elle sera le seul co-contractant de l’entreprise cliente. Elle doit exercer à titre exclusif l’activité de portage salarial. Il conviendra donc, avant de signer un contrat, de vérifier l’objet social de la société de portage, pour s’assurer que le co-contractant exerce bien cette activité seulement. Il est prévu que l’activité d’entrepreneur de portage salarial ne peut être exercée qu’après déclaration faite à l’autorité administrative : il serait donc prudent, pour l’entreprise cliente, de demander à son co-contractant une justification de cette déclaration.
L’ordonnance fixe avec précision le contenu du contrat conclu par l’entreprise cliente avec la société de portage :
1° L’identité du salarié porté ;
2° Le descriptif des compétences, des qualifications et des domaines d’expertise du salarié porté ;
3° Le descriptif de la prestation et ses conditions d’exécution par le salarié porté;
4° La date du terme de la prestation et, le cas échéant, la durée minimale de la prestation lorsque le terme est incertain et lié à la réalisation de la prestation ;
5° Le prix de la prestation convenu entre le salarié porté et l’entreprise cliente ;
6° La responsabilité de l’entreprise cliente relative aux conditions d’exécution du travail du salarié porté, en particulier les questions liées à sa santé, à sa sécurité et à la durée du travail , pendant l’exécution de sa prestation dans ses locaux ou sur son site de travail ;
7° S’il y a lieu, la nature des équipements de protection individuelle mis à disposition par l’entreprise cliente ;
8° L’identité du garant financier de l’entreprise de portage salarial ;
9° L’identité de l’assureur et le numéro d’assurance garantissant la responsabilité civile souscrite pour le compte du salarié porté pour les dommages provoqués dans l’entreprise cliente pendant l’exécution de la prestation.
Ce contrat commercial doit être conclu par écrit au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant le début de la prestation. Une copie de contrat est communiquée au salarié porté, cette obligation étant à la charge de la société de portage.
Les entreprises clientes doivent également savoir que pendant l’exécution de la prestation, le salarié porté devra faire à son employeur, la société de portage, des comptes rendus d’activité suivant une périodicité à fixer dans le contrat de travail. Ce sera là le moyen, en cas de contestation, de prouver la réalité des tâches effectuées par le salarié chez la société cliente.
Représentants du personnel
L’ordonnance du 2 avril 2015 donne aussi aux représentants du personnel de l’entreprise cliente les moyens de contester le recours abusif au portage salarial.
A cette fin, elle étend la compétence du comité d’entreprise (et, en l’absence de CE, des délégués du personnel), qui existait déjà pour le recours abusif aux CDD ou aux missions d’intérim, au recours abusif aux contrats conclus avec une entreprise de portage salarial. Lorsqu’il constate un accroissement important du nombre de contrats de mission, ou qu’il a connaissance de faits susceptibles de caractériser un recours abusif aux contrats de portage salarial, le CE peut saisir l’inspecteur du travail, qui adresse alors à l’employeur un rapport de ses constatations .
Anne CIRET
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