L’éditeur français, titulaire des droits d’exploitation de la chanson « La vie en rose » avait consenti – par contrat en date du 10 décembre 1947 – à une société d’édition italienne, « le droit exclusif de publier, enregistrer, reproduire et faire exécuter sous telle forme qu’elle jugeront convenables » cette œuvre sur le territoire de l’Italie.
Informée de l’existence de la campagne, la société d’édition italienne s’est adressée directement à l’annonceur afin de faire cesser la campagne publicitaire en Italie, en faisant valoir qu’elle était seule habilitée à autoriser de telles exploitations sur ce territoire.
L’éditeur d’origine a alors souhaité mettre un terme au contrat précité du 10 décembre 1947 et a assigné la société d’édition italienne devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.
L’éditeur français soutenait que le contrat du 10 décembre 1947 était un contrat de sous édition à exécution successive et à durée indéterminée susceptible de faire l’objet d’une résiliation unilatérale en application du principe général de prohibition des engagements perpétuels.
Suivant l’argumentation de la société d’édition italienne, le Tribunal a jugé que le contrat litigieux :
– ne pouvait pas être analysé comme un contrat de « sous-édition » régi par la loi du 11 mars 1957 du fait de son antériorité par rapport à la loi précitée, mais comme un contrat soumis à la loi en vigueur au jour de sa conclusion (c’est-à-dire l’article 1134 du code civil et l’article 1er du décret des 19-24 juillet 1793),
– et ne pouvait donc pas être assimilé à un contrat à exécution successive sans terme, mais à un « contrat à exécution instantanée de cession de propriété des droits d’exploitation » au profit de l’éditeur italien pour l’Italie, dont l’éditeur français ne pouvait demander la résiliation sur le fondement de l’absence de terme.
L’éditeur français a également été débouté de sa demande de résiliation au titre d’une prétendue absence d’exploitation permanente et suivie, les éléments produits établissant selon le tribunal une exploitation suffisante de l’œuvre.
Par ailleurs, le tribunal a constaté que l’éditeur français avait bien consenti à la société d’édition italienne « une cession des droits d’exploitation sans réserve donc y compris les droits futurs, ceux-ci pouvant être les droits d’exploitation publicitaire en Italie, et ce dès la conclusion du contrat » et qu’en conséquence la société italienne était « titulaire du droit d’autorisation d’exploitation en matière publicitaire des œuvres en Italie ».
En revanche, le Tribunal a estimé qu’en sa qualité d’éditeur premier de l’œuvre, l’éditeur français « est cessionnaire de la totalité des droits d’exploitation à titre exclusif dans le monde entier sur l’œuvre ayant en conséquence le droit d’utilisation de ladite œuvre « la vie en rose » dans des films publicitaires diffusés dans plusieurs pays ».
En l’espèce, le fait que le film ait été réalisé par une agence italienne et qu’il ait été diffusé en Italie ne constituerait donc pas une faute de l’éditeur français.
Dorothée SIMIC