Nous revenons sur le caractère impératif du contenu de l’offre de reclassement dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, à l’occasion de l’analyse de décisions publiées ces derniers mois.
- Modalité de communication des offres de reclassement
Pour rappel, l’article L1233-4 du code du travail prévoit les modalités de l’offre de reclassement devant être proposée par l’employeur au(x) salarié(s) visé(s) par un licenciement pour motif économique, qu’il soit individuel ou collectif. En particulier, cet article prévoit que :
- l’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés ;
- les offres de reclassement proposées au(x) salarié(s) sont écrites et précises.
Ainsi, l’employeur peut satisfaire à son obligation alternativement (i) en diffusant une liste de postes disponibles « par tout moyen » (par ex. sur l’intranet de l’entreprise) ou (ii) en l’envoyant individuellement à tous les salariés concernés. Ce qui est confirmé par le I de l’article D1233-2-1 du code du travail qui ajoute qu’il convient « de conférer date certaine » à cette communication. Que l’employeur choisisse l’une ou l’autre modalité de diffusion, l’offre doit être écrite et précise.
- Contenu de l’offre de reclassement
L’article D1233-2-1 II du code du travail issu du décret n°2017-1725 du 21 décembre 2017 précise le contenu de l’offre de reclassement, qu’elle soit diffusée collectivement ou adressée individuellement à chaque salarié concerné, cette offre devant contenir, a minima :
- l’intitulé du poste et son descriptif ;
- le nom de l’employeur ;
- la nature du contrat de travail ;
- la localisation du poste ;
- le niveau de rémunération ;
- la classification du poste.
Cet article précise également, en cas de diffusion collective d’une liste des offres de reclassement interne, que cette liste doit (cf. art. D1233-2-1 III, c. trav.) :
- comprendre les postes disponibles situés sur le territoire national dans l’entreprise et, le cas échéant, les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie ;
- préciser les critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste, ainsi que le délai dont dispose le salarié pour présenter sa candidature écrite (soit un minimum de 15 jours francs réduit à 4 jours francs lorsque l’entreprise fait l’objet d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire).
L’ensemble de ces informations a pour objectif de permettre aux salariés visés par le licenciement d’être en mesure d’apprécier les caractéristiques essentielles des postes offerts et d’accepter ou de refuser l’offre de reclassement en connaissance de cause.
- Caractère impératif du contenu de l’offre de reclassement
- Précision de l’offre
Dans une décision publiée du 23 octobre 2024, la Cour de cassation précise le caractère impératif des mentions devant figurer dans l’offre de reclassement listées à l’article D1233-2-1 II du code du travail (Cass. soc., 23 oct. 2024, 23-19629, §9).
En l’occurrence, dans le cadre d’une réorganisation de l’entreprise, une salariée avait refusé une proposition d’offre de reclassement de l’employeur, choisissant d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Puis la salariée avait contesté son licenciement au motif que l’offre de reclassement était imprécise. La cour d’appel jugea que l’offre était imprécise en ce qu’elle n’indiquait ni l’adresse de l’entreprise où le reclassement aurait lieu, ni son activité, ni la classification du poste. Elle ajouta que la mention selon laquelle la salariée serait reclassée « au même niveau de rémunération » était insuffisante pour permettre à la salariée de répondre valablement à l’offre de reclassement.
La Cour de cassation approuve la décision de la cour d’appel et juge que le défaut d’une seule des mentions impératives prévue à l’article D1233-2-1 II du code du travail rend l’offre imprécise et caractérise un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement, privant ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse. Elle juge, à partir des constatations faites par la cour d’appel, que (§11., Cass. soc., 23 oct. 2024, 23-19629) :
« l’employeur n’avait pas accompli avec la loyauté nécessaire son obligation de reclassement, se contentant d’une offre de reclassement imprécise et formelle, ce dont il résultait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. ».
Moins de deux mois plus tard, le Conseil d’État précise que l’inspecteur du travail, saisi d’une demande d’autorisation de licenciement pour motif économique d’un salarié protégé, doit vérifier que les offres de reclassement proposées contiennent l’ensemble des mentions prévues par le code du travail, celles-ci devant être aisément accessibles (CE, 2 déc. 2024, 488033, §7).
Précisés à l’occasion d’offres de reclassement individualisées, les principes dégagés dans ces décisions devaient logiquement être transposables en cas de communication collective des offres de reclassement disponibles.
- Diffusion collective de l’offre
Dans la continuité de ces décisions, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une décision le 8 janvier 2025 publiée (22-24724), cette fois-ci portant sur le III de l’article D1233-2-1 du code du travail, relatif au contenu de l’offre de reclassement lorsqu’elle est diffusée collectivement.
En l’espèce, des salariés ayant également adhéré au CSP, contestaient le bien-fondé de leur licenciement. Ils reprochaient à l’employeur d’avoir diffusé une liste « collective » d’offres de reclassement sans préciser les critères de départage applicables entre les salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste. Les salariés estimaient que ce manquement à l’obligation de reclassement privait leur licenciement de cause réelle et sérieuse.
Approuvant la décision de la cour d’appel, la chambre sociale de la Cour de cassation juge que (Cass. soc., 8 janv. 2025, 22-24724, §9) :
« La cour d’appel, qui a constaté que la liste des offres de reclassement interne communiquée aux salariés le 28 octobre 2019 ne mentionnait pas les critères de départage des candidatures multiples, en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que le licenciement était privé de cause réelle et sérieuse. »
L’argument avancé par l’employeur selon lequel l’absence de mention des critères de départage n’est pas déterminante dans la décision du salarié de candidater sur une offre, est écarté. La Haute juridiction impose ainsi une exigence stricte à la charge des employeurs en matière de reclassement, ceux-ci devant être particulièrement attentifs à la rédaction du contenu des offres de reclassement afin qu’elles soient strictement conformes à l’ensemble des dispositions de l’article D1233-2-1 du code du travail.