Skip to main content
Imprimer

Le gouvernement de Michel Barnier a présenté le 10 octobre dernier son projet de loi de finances pour 2025 proposant un plan de redressement des comptes publics représentant un effort de 60 Md€ dont un tiers via des hausses de recettes, pour l’essentiel concentrées sur les grandes entreprises et les contribuables les plus fortunés. Les débats débuteront à l’Assemblée nationale à compter du 21 octobre prochain.

Voici une première analyse de six mesures particulièrement significatives en l’état actuel du texte.

Mesures concernant les entreprises

  • Instauration d’une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (article 11)

Classique des mesures de redressement, le PLF 2025 propose d’instaurer à nouveau une surtaxe sur l’impôt sur les sociétés (IS) des grandes entreprises au titre des deux premiers exercices consécutifs clos à compter du 31 décembre 2024, dont le montant serait réduit de moitié au titre du second de ces exercices.

Les grandes entreprises sont celles qui réalisent en France un chiffre d’affaires atteignant un milliard d’euros. Au sein des groupes d’intégration fiscale, il s’agit de la somme des chiffres d’affaires des sociétés qui composent le groupe. En cas d’exercice d’une durée différente de 12 mois, le chiffre d’affaires serait ramené sur 12 mois.

Assise sur le montant d‘IS avant imputation des réductions, crédits d’impôt (ou créances fiscales de toute nature comme les créances de carry-back) et non déductible de l’IS, son taux est différencié en fonction du chiffre d’affaires :

  • En cas de CAHT est compris entre 1 et 3 Md€, le taux de la contribution sera fixé à 20,6 % pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2024 et à 10,3 % pour le second ;
  • pour les redevables dont le chiffre d’affaires est supérieur à 3 Md€, les taux sont respectivement portés à 41,2 % et à 20,6 %.

Un mécanisme de lissage est également prévu pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse les seuils d’assujettissement aux différents taux de moins de 100 M€.

En tant que contribution additionnelle à l’IS, elle devrait rester sans impact pour le calcul de la participation des salariés selon la formule légale.

  • Instauration pour les grandes entreprises d’une taxe sur les réductions de capital consécutives au rachat de leurs propres titres (article 26)

Le PLF 2025 propose d’instituer une taxe spéciale sur les réductions de capital par annulation de titres résultant d’un rachat par les sociétés de leurs propres titres pour celles dont le chiffre d’affaires hors taxe réalisé au cours du dernier exercice clos est supérieur à 1 Md€ (apprécié au niveau du groupe consolidé et ramené s’il y a lieu à 12 mois).

La taxe s’appliquerait aux opérations de réductions de capital réalisées à compter du 10 octobre 2024.

Calculée au taux de 8%, la taxe s’appliquerait sur le montant de la réduction de capital à proprement parler ainsi que sur les primes liées au capital à proportion du capital réduit, à l’exclusion des réserves. Le dispositif prévoit une conservation de la qualification d’origine de capital/prime liée au capital ou réserves pour les prélèvements et incorporations intervenus entre ces postes comptabilisés à compter de l’exercice en cours au 10 octobre 2024.

A noter qu’il s’agit d’une imposition due par la société dont le capital fait l’objet de la réduction et non par les associés de sorte qu’elle se trouve a priori en dehors du champ d’application des conventions fiscales.

  • Report de trois ans de la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (article 15)

Le PLF 2025 prévoit de reporter de trois années la suppression de la CVAE, déjà reportée progressivement l’année dernière de 2025 à 2027. Les taux d’imposition à la CVAE sont ainsi maintenus pour les années 2025 à 2027 à leur niveau de 2024, soit, pour le taux maximal, 0,28 %. Ce taux sera ensuite abaissé à 0,19 % en 2028, 0,09 % en 2029, pour une suppression totale de la CVAE au titre de l’année 2030.

L’abaissement du taux du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée et l’évolution du taux de la taxe additionnelle à la CVAE sont reportés et ajustés en conséquence.

Mesures concernant les particuliers

  • Instauration d’une contribution différentielle sur les hauts revenus (article 3)

Il est proposé d’instaurer temporairement pendant 3 ans une contribution « différentielle » frappant les contribuables soumis à l’exceptionnelle mais permanente contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR-surtaxe de 3 ou 4% applicable aux foyers dont le revenu fiscal de référence (RFR) dépasse 250 000 euros pour un célibataire et 500 000 euros pour un couple).

Le dispositif s’inscrit dans une logique d’assurer pour les contribuables concernés un taux d’imposition moyen minimum de 20%, calculé sur le RFR, entre l’impôt sur le revenu et la CEHR. En cas d’insuffisance, les contribuables seraient redevables du solde. Une décote serait appliquée pour les redevables dont les revenus ne dépassent pas 330 000 euros pour un célibataire ou 660 000 euros pour un couple. Les revenus exceptionnels dont le montant dépasse la moyenne des revenus des trois années précédentes seraient retenus pour le quart de leur montant.

La contribution serait applicable au titre des revenus 2024, 2025 et 2026.

  • Réintégration des amortissements admis en déduction dans l’assiette de la plus-value des LMNP (article 24)

Il est proposé, pour les loueurs en meublé non professionnels (LMNP) soumis au régime réel, de mettre un terme au cumul de l’amortissement du bien pour la détermination du résultat de l’activité locative et de la non prise en compte de ces mêmes amortissements pour le calcul de la plus-value en cas de cession du bien. La plus-value d’un LMNP serait désormais calculée en réintégrant les amortissements admis en déduction pendant la période locative.

La plus-value ainsi majorée bénéficierait toujours des abattements pour durée de détention (CGI, art. 150 VC).Ces dispositions s’appliqueraient aux cessions intervenant à compter du 1er janvier 2025.

  • Sécurisation du régime des BSA (bons de souscription d’actions) et des BSPCE (bons de souscription de parts de créateur d’entreprise) (article 25)

Le PLF 2025 propose de neutraliser deux arrêts récents du Conseil d’Etat concernant le régime fiscal des BSA et BSPCE.

Par un arrêt en date du 8 décembre 2023, le Conseil d’Etat a annulé la doctrine administrative qui, de manière jugée contraire à la loi, étendait aux titres souscrits en exercice de BSA ou BSPCE, l’interdiction de placer de tels bons dans un PEA.

Le PLF 2025 propose de légaliser l’interdiction administrative ainsi censurée. Cette interdiction concernerait les titres reçus en exercice de BSA comme de BSPCE et jouerait pour le PEA mais également les dispositifs de type PEE, PEI et PERCO.

Le Conseil d’Etat a par ailleurs confirmé par un arrêt en date du 5 février 2024 que le régime des plus-values de cession de valeur mobilière devrait s’appliquer en toutes ses dispositions aux gains de cessions de titres souscrits en exercice de BSPCE et notamment en matière de sursis d’imposition prévu en cas d’apport de titres à une société non contrôlée par l’apporteur.

Le PLF 2025 propose de distinguer désormais le gain d’exercice, de nature salariale, du gain de cession imposable selon les règles de droit commun des plus-values. Si les mécanismes de sursis et/ou report d’imposition sont bien applicables au gain de cession selon les conditions prévues pour les plus-values (CGI, art. 150-0 B et 150-0 B ter), le gain d’exercice ne pourrait plus en bénéficier. Autrement dit, l’apport à une société (contrôlée ou pas par l’apporteur) de titres souscrits en exercice de BSPCE rendrait exigible l’impôt sur le gain d’exercice au titre de l’année de l’apport sans possibilité de différé d’imposition. Ces dispositions s’appliqueraient aux transferts réalisés à compter du 10 octobre 2024.

Imprimer