Deux sociétés qui exploitaient des enregistrements phonographiques de jazz et de variétés ont assigné, en réparation de l’atteinte portée à leurs droits patrimoniaux, les sociétés fabriquant et distribuant – sans leur autorisation – un coffret reproduisant les enregistrements dont elles se déclaraient titulaires des droits prévus par l’article L. 213-1 du Code de la propriété intellectuelle, selon lequel « Le producteur de phonogrammes est la personne, physique ou morale, qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence de son. L’autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l’échange ou le louage, ou communication au public de son phonogramme autres que celles mentionnées à l’article L. 214-1 »).
La Cour d’Appel de Paris dans un arrêt du 8 décembre 2010 avait rejeté les prétentions des sociétés demanderesses qui affirmaient avoir exploité les enregistrements litigieux de manière paisible depuis plusieurs années sans revendication des artistes et des producteurs, et déclaraient se trouver en possession du matériel d’exploitation des enregistrements.
Considérant que le litige portait non pas sur le droit d’auteur mais sur les droits voisins qu’un producteur de phonogramme tient de l’article L.213-1 du Code de la propriété intellectuelle, la Cour d’Appel en avait déduit que les demanderesses ne pouvaient être présumées titulaires de ces droits, écartant l’application de l’article L.113-5 du Code de la propriété intellectuelle (figurant dans le Livre I dudit Code régissant le droit d’auteur) selon lequel « L’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. (…) ».
La Cour de Cassation dans sa décision du 14 novembre 2012 censure ce raisonnement au visa de l’article L.213-1 susvisé en énonçant « qu’en l’absence de toute revendication émanant de la personne physique ou morale qui a pris l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence de son, ou de ses ayants droit, l’exploitation publique, paisible et non équivoque d’un enregistrement par une personne physique ou morale sous son nom, est de nature à faire présumer à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon que celle-ci est titulaire sur l’enregistrement des droits prévus à l’article (L. 213-1 du Code de la propriété intellectuelle) ».
Cette décision admet donc une présomption de titularité des droits sur les enregistrements sans avoir à établir la chaîne de droits usuelle (cession des droits de l’artiste au profit du producteur /cessions effectuées par les précédents producteurs), en étendant donc aux droits voisins, la présomption de titularité des droits reconnue par la jurisprudence à l’exploitant paisible d’une œuvre protégée
Dorothée SIMIC