Projet de Règlement européen relatif à la protection des données personnelles : le Sénat soutient les réserves de la CNIL

Proposition de résolution européenne, 6 mars 2012, Sénat


Le débat national se poursuit autour du projet de Règlement établi par la Commission européenne aux fins de simplifier et d’harmoniser les règles de protection des données personnelles au sein de l’Union Européenne [Netcom février 2012]. Après la commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale, le Sénat a fait entendre sa voix en adoptant une proposition de résolution européenne soutenant les réserves d’ores et déjà exprimées par ses homologues de l’Assemblée et par la CNIL.

Bien que l’objectif d’harmonisation du projet de Règlement soit unanimement approuvé par les parlementaires, le Sénat émet néanmoins de nombreuses réserves sur plusieurs dispositions phares du texte soit qu’il les juge trop timides, soit qu’il les estime inefficaces pour renforcer de manière réellement efficace la protection des données personnelles.

Deux séries de dispositions du règlement se trouvent au centre des critiques : les modalités d’exercice par les citoyens du droit à l’oubli numérique et le dispositif du « guichet unique » proposé par la Commission.

Sur le premier volet, l’on rappellera qu’en l’état actuel du projet de Règlement, l’article 17 du texte prévoit le droit par chaque citoyen d’obtenir la suppression de l’intégralité des données le concernant, si le responsable de traitement n’a pas de motif légitime pour les conserver. Selon le Sénat, la consécration de ce droit à l’oubli numérique ne saurait être efficace dès lors que les obligations des moteurs de recherche ne sont pas dans le même temps significativement renforcées. Le Sénat suggère ainsi qu’il soit prévu à la charge de ces prestataires une obligation positive de procéder à l’effacement automatique des contenus indexés dans un délai maximal à déterminer. L’on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de cette proposition tant il apparaît peu probable qu’une telle contrainte puisse être imposée aux moteurs de recherche. Le Sénat sollicite donc également, de façon plus réaliste, qu’il soit expressément permis à tout intéressé de solliciter la désindexation des contenus qui lui portent préjudice (le critère du préjudice se substituerait ainsi au critère de l’absence d’intérêt légitime du responsable du traitement actuellement prévu par le Règlement).

Les dispositions du projet de Règlement relatives à l’instauration du système de guichet unique appellent quant à elles une opposition franche des sénateurs motif pris notamment du déséquilibre qu’engendrerait une telle mesure s’agissant du traitement réservé aux plaintes des citoyens. Il convient en effet de rappeler que le guichet unique attribuerait compétence exclusive à l’autorité nationale de contrôle dans laquelle le responsable de traitement a son établissement principal aux fins d’instruire et de juger les plaintes administratives des citoyens. Le Sénat observe à cet égard que le système prôné par le règlement crée une asymétrie entre le droit au recours juridictionnel que le citoyen pourrait continuer d’exercer devant son juge national alors que le recours administratif contre ce même responsable de traitement relèverait de la seule compétence de l’autorité de contrôle étrangère établie dans le pays où le responsable du traitement aurait son établissement principal. Le Sénat fait également valoir la distorsion ainsi créée avec le système en vigueur en matière de droit de la consommation qui autorise le consommateur à s’adresser à l’autorité nationale dès lors qu’un service lui est fourni sur le territoire où il réside.

Le Sénat semble d’ores et déjà anticiper l’absence de consensus européen autour des mesures qu’il propose et des critiques qu’il émet puisque sa proposition de résolution européenne du 6 mars 2012 se conclut par une ultime suggestion consistant à prévoir dans le règlement la possibilité pour chaque état membre d’adopter des mesures plus protectrices.

L’on peine toutefois à imaginer comment une telle proposition peut être conciliée avec l’objectif d’une harmonisation renforcée (que le Sénat approuve par ailleurs) et qui a justement conduit la Commission à privilégier la voie du Règlement à celle de la directive.

Héléna DELABARRE

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Délibérations CNIL n°2011-249 du 8 septembre 2011, n° 2011-315 et n° 2011-316 du 6 octobre 2011