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CE, 1er avril 2015, n°365253

Il est admis depuis longtemps que quel que soit le mode de rupture d’un contrat de travail (démission, départ à la retraite ou licenciement) l’employeur et son salarié puissent conclure un accord transactionnel mettant fin à leur litige. Les sommes versées à cette occasion sont assimilées à des dommages et intérêts bénéficiant ainsi des dispositions de l’article 80 duodecies du CGI et de l’article L 242-1 dernier alinéa du Code de la sécurité sociale.


La condition essentielle fixée par la jurisprudence réside dans le caractère consommé ou définitif de la rupture. La doctrine et la jurisprudence ont admis que la prise d’acte, mode de rupture, autonome, immédiat et conflictuel par nature pouvaient donner lieu à transaction. Le protocole ne doit toutefois pas, sous peine de nullité, se prononcer sur l’imputabilité de la rupture qui en droit, reste une démission.

S’est toutefois posée la question de savoir, si la transaction consécutive à une prise d’acte pouvait bénéficier, à l’instar de la transaction consécutive à un licenciement, du non-assujettissement à l’impôt sur le revenu prévu par l’article 80 duodecies du CGI ?

La jurisprudence a répondu en deux temps :

D’abord le Conseil constitutionnel, qui saisi d’une QPC a posé le principe selon lequel « il appartient à l’administration fiscale, sous le contrôle du juge administratif, de rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction » (QPC 20 septembre 2013, n°2013-340).

Ensuite, c’est le Conseil d’Etat qui à l’occasion de son arrêt rendu le 1er avril dernier a mis en application la décision du Conseil constitutionnel en précisant les modalités du contrôle administratif et judiciaire.

Dans cette espèce, un salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail, puis avait saisi le Conseil de prud’hommes. Avant le jugement de l’affaire, l’employeur et le salarié s’étaient rapprochés et avaient conclu un accord transactionnel. En contrepartie de l’accord et du versement de l’indemnité convenue, le salarié s’était désisté de son action et de son instance devant le Conseil de prud’hommes mettant ainsi fin au litige.

L’indemnité transactionnelle versée a fait l’objet d’un redressement fiscal contesté devant le tribunal administratif, puis la Cour administrative d’appel qui ont confirmé le redressement fiscal et l’assujettissement du protocole consécutif à une prise d’acte à l’impôt sur le revenu.

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’Etat a cassé l’arrêt considérant que le juge devait rechercher si la preuve était rapportée de faits de nature à justifier la rupture du contrat aux torts de l’employeur et a assimilé la prise d’acte à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Si la preuve est rapportée, le non-assujettissement sera acquis. A défaut, les sommes versées seront intégralement soumises à l’IR.

Si l’arrêt a le mérite de poser une règle claire, paradoxalement le Conseil d’Etat va imposer au juge administratif de « refaire » un procès prud’homal que l’employeur et le salarié sont justement parvenus à éviter par leur accord transactionnel.

La démonstration du caractère justifié de la prise d’acte devra donc vraisemblablement être documentée sur la base des preuves qui avaient vocation à être soumises à la juridiction prud’homale.

Enfin, reste ouverte la question du traitement social des sommes versées dans le cadre d’un protocole consécutif à une prise d’acte. Cette question ne relève pas de la compétence du Conseil d’Etat, mais de la 2e chambre civile de la Cour de cassation. Pour l’heure et en l’absence de jurisprudences l’excluant, il semblerait que l’exonération de charges sociales (sauf CSG/CRDS) et patronales à concurrence de deux plafonds annuels de la Sécurité sociale (76 080 euros au 1er janvier 2015) soit admise.

Mais une évolution n’est peut-être pas à exclure et qui permettra d’apprécier l’intérêt et la sécurité juridique pour un employeur de conclure un protocole transactionnel consécutivement à la prise d’acte de son salarié.

Khalil MIHOUBI

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