La Cour d’appel de Paris a rendu, le 11 décembre 2013, un arrêt reconnaissant au service de référencement AdWords, régie publicitaire du moteur de recherche Google, la qualité d’hébergeur. Cette position infirme celle adoptée par les juges en première instance (Netcom Janvier 2012 : « De l’art délicat de ne pas se tirer une balle dans le pied ou l’application du régime de responsabilité de l’éditeur à un service d’achat de mots clés », TGI Paris, 17ème Ch. Presse Civile, 14 novembre 2011).
Le service AdWords permet à tout opérateur économique, moyennant la sélection d’un ou plusieurs mots clés, de faire apparaître, en cas de concordance entre ce ou ces mots et celui ou ceux contenus dans la requête adressée par l’internaute, un lien promotionnel vers son site.
Ce dernier apparaît dans la rubrique « liens commerciaux », affichée au-dessus des résultats dits « naturels », classés selon des critères « objectifs ».
Google tire ainsi profit de son moteur de recherche pour monétiser de l’espace publicitaire à l’occasion des recherches effectuées par les internautes.
En l’espèce, le comédien français Olivier Martinez avait assigné Prisma Presse – éditrice du site internet gala.fr – suite à la mise en ligne, en 2008, d’un article illustré de plusieurs photographies qu’il estimait attentatoires à sa vie privée et à son droit à l’image. Google était également assigné car l’un des liens promotionnels référencés par le moteur de recherche renvoyait à l’article litigieux.
Concrètement, lorsqu’une requête relative à Olivier Martinez était effectuée, on pouvait voir apparaître en première position un lien commercial dont l’intitulé était « News-Olivier Martinez, Les chagrins d’amour les plus célèbres : le cas d’Olivier Martinez ».
Il s’agissait – notamment – dans cette affaire, de déterminer si Google pouvait, pour son service AdWords, se prévaloir du statut d’hébergeur aux fins de bénéficier du régime de responsabilité allégé prévu par la LCEN transposant la directive 2000/31 relative au commerce électronique.
En l’espèce, le Tribunal de grande instance de Paris avait estimé, que Google ne pouvait bénéficier d’un tel statut. Les juges se fondaient sur les motifs des décisions de la CJUE et notamment de l’arrêt du 23 mars 2010 (Netcom Mars 2010 : « Adwords : Google ne ferait pas « usage » de marques et pourrait bénéficier du statut d’hébergeur », CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08), énonçant que, pour être considéré comme hébergeur au sens de la directive, l’activité de prestataire de service devait revêtir un caractère purement technique, automatique et passif, impliquant que ledit prestataire n’ait ni la connaissance, ni le contrôle des informations transmises ou stockées. Le tribunal avait en outre analysé méticuleusement les documents émanant du moteur de recherche quant au fonctionnement de son système d’achats de mots clés.
S’appuyant sur cette décision, le tribunal avait jugé que, « compte tenu de la connaissance avérée par le responsable du service AdWords du contenu des messages et mots clés, comme de la maîtrise éditoriale qui lui [était] contractuellement réservée, (…) [Il convenait] d’exclure à son égard la qualification d’hébergeur et le bénéfice de dérogations de responsabilité qui lui [était] réservé ».
Toutefois, la Cour d’appel de Paris a, par son arrêt du 11 décembre 2013, estimé, au contraire, que Google bénéficiait du régime de responsabilité allégé prévu pour les hébergeurs.
La Cour invoque le même arrêt de la CJUE mais en tire une conclusion contraire à celle retenue par le tribunal.
En effet, la Cour d’appel se réfère à un attendu de l’arrêt de la CJUE relevant que « la seule circonstance que le service de référencement soit payant, le fait que la société Google fixe les modalités de rémunération, donne des renseignements d’ordre général à ses clients ne sauraient avoir pour conséquence de priver cette société des dérogations en matière de responsabilité prévue par la directive », et que le rôle que jouait Google dans la rédaction du message commercial accompagnant le lien promotionnel ou dans l’établissement ou sélection des mots clés était en revanche pertinent.
La Cour d’appel juge qu’en l’espèce, le processus de création de l’annonce avait été le fait de l’annonceur, la société Prisma Presse, qui avait rédigé seule le contenu des liens commerciaux et fait le choix des mots clés – ce qui suffit, selon elle, à retenir le rôle d’hébergeur de Google pour son service AdWords au regard des critères établis par la Cour de Justice.
Ainsi, les juges ont considéré sur le fondement de cette motivation que la responsabilité de Google n’aurait pu être engagée que si celui-ci n’avait pas retiré promptement les contenus litigieux signalés. Un tel retrait ayant en l’occurrence été effectué par Google, la responsabilité de ce dernier ne pouvait être engagée.
Marie DELOUCHE
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Confirmation en appel du statut d’éditeur d’un site de vente aux enchères et de parking de noms de domaine