TGI Paris, 3ème Ch., 2ème sect., 8 janvier 2016
Le tribunal de grande instance de Paris a condamné la société de production EuropaCorp pour avoir violé les droits d’auteur de quatre dessinateurs ayant travaillé sur les films « Arthur et les Minimoys ».
Le litige porte sur la rémunération de ces derniers ; chacun des contrats prévoyant le versement d’une rémunération forfaitaire au titre de la «
conception des personnages secondaires, accessoires et de décors dessinés ».
Les dessinateurs étant co-auteurs de la création graphique des films, les principes du droit d’auteur s’appliquent et notamment celui selon lequel les contrats de cession doivent comporter au profit des auteurs une rémunération proportionnelle aux recettes provenant de la vente de ou de l’exploitation de l’œuvre en question (L.131-4 du Code de propriété intellectuelle).
La même disposition admet toutefois la possibilité de rémunérer un auteur de manière forfaitaire lorsque « sa contribution ne constitue pas l’un des éléments essentiels » de l’œuvre ; ce qui, selon EuropaCorp, était le cas en l’espèce.
Le tribunal devait donc apprécier leur contribution dans la création des films.
Il relève tout d’abord l’existence de plusieurs éléments fournis par les défendeurs eux-mêmes, et notamment la longue liste des créations des dessinateurs ainsi que les propos du réalisateur Luc Besson reconnaissant expressément l’importance de leurs apports. Le juge conclut à l’existence d’un « véritable travail de création intellectuelle (…) tant pour la création des personnages que pour celles des accessoires et des décors du film ».
De plus, « le fait que plusieurs personnes aient contribué ensemble à l’œuvre graphique d’un film animé, sans que la contribution de l’un ou l’autre des créateurs ne puisse être précisément déterminée sur chacun des dessins, ne suffit pas à lui seul à écarter toute rémunération proportionnelle ».
Le tribunal retient que la rémunération forfaitaire des dessinateurs n’est par conséquent aucunement justifiée et prononce donc la nullité des contrats. Le tribunal mandate également un expert afin de fixer la somme à verser aux dessinateurs sur la base des recettes.
La société EuropaCorp a interjeté appel. La décision mérite d’être suivie avec attention. La production de films d’animation fait appel à de nombreux créateurs et, selon les usages, seuls les principaux bénéficient de rémunérations proportionnelles. L’annulation du contrat peut également entrainer des conséquences très graves pour l’exploitation d’un film et pour les coauteurs.
Clotilde LEROUX
Téléchargez cet article au format .pdf
Ayant eu connaissance d’une campagne publicitaire nationale visant à faire la promotion des chaussures de la marque KICKERS et reprenant, au sein de ses visuels, les termes « FOREVER YOUNG », il a assigné le distributeur des produits KICKERS en France.
Ses demandes ayant été rejetées par le tribunal de grande instance de Rennes, la société BRUNO SAINT HILAIRE, a formé appel de la décision et la Cour d’appel de Rennes, saisie du litige, permet ainsi d’enrichir la jurisprudence déjà fournie sur la protection des slogans publicitaires par le droit des marques.
La validité des dépôts de slogans à titre de marque a parfois été contestée, en raison de leur nature évocatrice. Malgré cela, les tribunaux sont souvent réticents à considérer qu’un slogan ne peut, per se, être déposé en tant que marque, l’article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle listant parmi les signes pouvant être déposés en tant que marque les « dénominations sous toutes les formes » dont notamment les « assemblages de mots ».
Cependant, même déposé, il peut souvent s’avérer difficile pour les titulaires de ces marques d’obtenir une protection sur le fondement du droit des marques, comme l’illustre notamment cet arrêt.
En l’espèce, si la validité du dépôt en tant que marque du signe n’était pas contestée ici, le litige portait sur la réalité de l’usage.
L’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle énonce en effet qu’ « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans juste motif, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».
La société BRUNO SAINT HILAIRE, à qui était opposée l’absence d’usage sérieux du signe , avait soutenu qu’elle utilisait sa marque, en produisant des « photographies de 4 personnes portants des vêtements et chaussures avec la mention Forever Y au-dessus de la marque Saint Hilaire », ou encore « la présentation d’un homme habillé sur un solex devant un panneau où figure les mêmes éléments et alors qu’il constitue un stand publicitaire (…) ». Elle reconnaissait néanmoins que ce signe était utilisé comme concept, ce qu’indiquait d’ailleurs son site : « Forever Y, c’est tout un état d’esprit… avoir confiance en soi, se sentir bien et libre, oser passer à l’acte… être Forever Y ».
La Cour d’appel de Rennes a estimé que le signe n’était dès lors pas utilisé dans une fonction d’identification de l’origine des produits, et a prononcé la déchéance de la marque à compter du 1er décembre 2013.
Si la contrefaçon n’était pour autant pas de facto écartée à ce stade, les actes argués de contrefaçon datant de septembre 2010, la contestation de l’usage effectif à titre de marque a s’est avérée efficace.
La Cour d’appel note que le signe FOREVER YOUNG avait été utilisé « dans le cadre des 40 ans de la marque KICKERS », « au sein d’une phrase écrite en langue anglaise, traduite ensuite en langue française », de manière descriptive « de la marque KICKERS éternellement jeune ». Elle estime, par conséquent et de manière plutôt cohérente avec la déchéance prononcée, que là aussi, ces mots étaient utilisés à titre d’expression courante et non à titre de marque. Aucun usage du signe à titre de marque n’ayant été réalisé antérieurement au 1er décembre 2013, la demande sur le fondement de la contrefaçon a par conséquent été rejetée.
Sur les demandes formées sur le fondement de la concurrence déloyale, la Cour confirme également le jugement, en estimant que la société BRUNO SAINT HILAIRE ne justifiait pas d’investissement ou de travail particulier pour développer le « concept » FOREVER YOUNG, dont la « valeur économique individualisée » n’était, selon la Cour, pas démontrée.
Antoine JACQUEMART