Rappel par la CJUE du périmètre de protection du logiciel au titre du droit d’auteur
En application de la directive 91/250, la CJUE rappelle (i) que les fonctionnalités et langage de programmation ainsi que le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme pour exploiter certaines de ses fonctions ne constituent pas une forme d’expression protégeable, (ii) qu’un tiers peut, sous certaines réserves, observer, étudier ou tester le fonctionnement du programme dont il est licencié et (iii) que la protection d’un manuel utilisateur par le droit d’auteur est subordonnée à la démonstration de son caractère original.
Par décision du 2 août 2010, la High Court of Justice a saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne de questions préjudicielles au sujet d’une action en contrefaçon introduite par l’éditeur d’un logiciel à l’encontre d’une société pour violation des droits d’auteur sur les programmes d’ordinateur et sur les manuels relatifs à son système informatique de bases de données. En l’espèce, il n’était pas établi que la société défenderesse avait eu accès aux codes sources du programme concerné.
C’est dans ce contexte que la High Court a posé une série de questions très précises à laquelle la CJUE a répondu de manière plus synthétique en rappelant les principes de bases issus notamment de la directive 91/250 du Conseil en date du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur.
Dans un premier temps, la CJUE a rappelé que la protection conférée par le droit d’auteur au logiciel couvre (i) le programme d’ordinateur dans toutes les formes d’expression de celui-ci, et plus particulièrement le code source et le code objet, (ii) ainsi que les travaux préparatoires de conception dès lors que ceux-ci sont « de nature à permettre la réalisation d’un programme d’ordinateur à un stade ultérieur ».
C’est dans ce cadre que la CJUE en déduit que « ni la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur ni le langage de programmation et le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions ne constituent une forme d’expression de ce programme », la CJUE allant jusqu’à confirmer la position de l’avocat général selon laquelle le contraire reviendrait à « offrir la possibilité de monopoliser les idées, au détriment du progrès technique et du développement industriel ».
Dans un souci d’exhaustivité, la CJUE précise néanmoins que le fait que la création d’un programme d’ordinateur soit réalisée à partir du code source ou du code objet ou du format de fichiers de données d’un autre programme pourrait constituer une reproduction partielle de ce programme. Comme rappelé ci-avant, tel ne semblait pas être le cas en l’espèce.
Dans un deuxième temps, la CJUE traite du droit pour le titulaire d’une licence d’utilisation d’un programme, sans l’autorisation du titulaire des droits, d’observer, étudier ou tester le fonctionnement de celui-ci afin d’en comprendre le fonctionnement « dans un but dépassant le cadre défini par [la licence] ».
Reprenant les termes de la directive, la CJUE en déduit que « la détermination des idées et des principes à la base de n’importe quel élément du programme d’ordinateur peut être réalisée dans le cadre des opérations autorisées par la licence », sous réserve que les opérations réalisées soient nécessaires à l’utilisation du programme et qu’il ne soit pas porté atteinte aux droits exclusifs du titulaire du droit d’auteur sur celui-ci.
Enfin, la CJUE a répondu aux dernières interrogations de la High Court of Justice, relative à la reproduction du manuel d’utilisation du programme concerné.
De manière pragmatique, la CJUE a rappelé qu’il importe avant toute autre chose de vérifier si le manuel en question contient « certains des éléments qui sont l’expression de la création intellectuelle propre à l’auteur de cette œuvre ». A ce titre, la CJUE précise que « les mots-clés, la syntaxe, les commandes et les combinaisons de commandes, les options, les valeurs par défaut ainsi que les itérations sont composés de mots, de chiffres ou de concepts mathématiques qui, considérés isolément, ne sont pas, en tant que tels, une création intellectuelle de l’auteur du programme d’ordinateur » et qu’il convient dès lors de considérer le manuel comme une œuvre en fonction du choix, de la disposition et de la combinaison desdits mots, chiffres et concepts mathématiques. Une telle vérification doit être menée devant la juridiction de renvoi.
Bien que la CJUE réponde à la High Court, les praticiens en France devront également s’intéresser aux principes rappelés par cette décision qui éloigne toute possibilité de protection de la structure et des fonctionnalités d’un logiciel.
Olivier HAYAT
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