Recevabilité à agir des sociétés de gestion collective et présomption de cession des contributions aux œuvres audiovisuelles
Cass 1ère civ., 11 mars 2020
En rejetant le pourvoi formé par la Société des auteurs de jeux (SAJE), la Cour de cassation met fin au litige l’opposant à Orange et confirme son irrecevabilité à agir en contrefaçon sur le fondement de l’atteinte aux droits patrimoniaux de ses adhérents à défaut de démontrer la réalité de l’apport dont elle se prévaut.
Si le principe est connu et régulièrement appliqué, la question en l’espèce n’était pas évidente à première vue concernant les œuvres en cause.
En effet, le répertoire de la SAJE est composé de formats de jeux, créés par un ou des auteurs ou encore adaptés de formats étrangers, afin de servir de base au jeu télévisuel qui en sera tiré. Dans le cadre de ce litige, elle s’opposait à Orange concernant la diffusion en intégral, simultanée et sans changement des programmes audiovisuels de la TNT, pour laquelle Orange avait conclu des contrats généraux de représentation licitant cette retransmission dite secondaire avec les organismes de gestion collective de droits d’auteur et de producteurs de vidéogrammes, à l’exception de la SAJE.
Pour retenir l’irrecevabilité à agir de la SAJE, la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 30 novembre 2018 (Cf. Netcom février 2019) avait tranché en faveur de l’existence d’une œuvre composite puisque les jeux télévisés qui faisaient l’objet des retransmissions reprochées à Orange n’assuraient pas la diffusion des formats de jeux mais celle d’émissions qui incorporent ces formats de jeux.
Dès lors, en application des articles L113-7 du CPI relatif la qualité de co-auteurs d’une œuvre audiovisuelle et L132-24 du CPI qui institue au profit du producteur de l’œuvre audiovisuelle une présomption de cession des droits exclusifs d’exploitation de l’œuvre audiovisuelle, la Cour d’appel avait jugé que pour pouvoir valablement apporter en propriété à la SAJE le droit de télédiffusion secondaire des formats incorporés dans des œuvres audiovisuelles, les auteurs de formats protégeables ne devaient pas, au moment de leur adhésion, s’être déjà dessaisis de ce droit au profit du producteur de l’œuvre audiovisuelle de jeu.
En l’espèce, seul un des trois contrats produits prévoyant une clause de réserve au profit de la SAJE, la Cour d’appel avait jugé que la SAJE ne justifiait pas détenir un « catalogue » d’œuvres sur lequel elle disposerait des droits patrimoniaux lui permettant d’agir en contrefaçon à l’encontre d’Orange pour des diffusions qu’elle n’aurait pas autorisées.
La Cour de cassation n’examine que le moyen du pourvoi de la SAJE fondé sur l’absence de démonstration des droits apportés et valide l’analyse de la Cour d’appel en retenant que la recevabilité de l’action était subordonnée à la démonstration de la réalité des apports dont elle se prévalait, compte tenu de la présomption de cession applicable, en retenant que « Ayant relevé que l’article L. 132-24 du code de la propriété intellectuelle instituait, au profit du producteur d’une œuvre audiovisuelle, une présomption de cession des droits exclusifs d’exploitation, elle en a exactement déduit que, pour pouvoir valablement apporter en propriété à la SAJE le droit de retransmission secondaire des formats de jeux incorporés dans les œuvres audiovisuelles en cause, les auteurs de ces formats ne devaient pas, au moment de leur adhésion, s’être déjà dessaisis de ce droit au profit du producteur ».
Selon la Cour de cassation, c’est par une appréciation souveraine des éléments qui lui étaient soumis que la Cour d’appel a retenu que la SAJE n’apportait pas la preuve, qui lui incombait, que les contrats de cession conclus par ses adhérents contenaient une clause contraire à la présomption légale édictée par le texte précité.