On rappelle que les associés des SARL[1] et des sociétés par actions notamment des SA et SAS[2], dont les pertes de l’exercice écoulé ont ramené les capitaux propres à un montant inférieur à la moitié du capital social, doivent décider la dissolution anticipée ou non de la société dans les quatre mois de l’approbation des comptes ayant fait apparaître ces pertes.
Lorsqu’il a été décidé de ne pas dissoudre la société, celle-ci doit ensuite régulariser sa situation afin d’échapper cette fois à sa dissolution judiciaire à la demande de tout intéressé.
A cet effet, la société doit suivre une procédure spécifique dont certaines mesures ont été assouplies par une loi du 9 mars 2023[3] ayant introduit deux modifications principales : la première, relative à l’étendue de la régularisation, concerne toutes les sociétés ; la seconde octroie à certaines sociétés un délai supplémentaire de régularisation.
? Etendue de la régularisation
Avant la loi de 2023, les SARL et les sociétés par actions non dissoutes après constatation de l’insuffisance de leurs capitaux propres, devaient, si elles n’avaient pas remédié à cette insuffisance au terme des deux exercices suivants, réduire leur capital d’un montant au moins égal à celui des pertes n’ayant pu être imputées sur les réserves.
Désormais, une option est offerte à ces sociétés qui doivent :
– soit reconstituer leurs capitaux propres à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social,
– soit réduire leur capital social du montant nécessaire pour que la valeur des capitaux propres soit au moins égale à la moitié du capital social (sous réserve du capital minimum de 37.000 € pour les SA).
Il ne leur est donc plus imposé d’apurer la totalité de leurs pertes.
? Délai de régularisation
Avant la loi du 9 mars 2023, les SARL et les sociétés par actions ayant décidé de poursuivre leur activité malgré des capitaux propres devenus inférieurs à la moitié du capital social devaient régulariser cette situation au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel les pertes ont été constatées.
La loi nouvelle maintient ce délai de deux exercices et l’allonge de deux exercices supplémentaires en imposant aux sociétés n’ayant pas reconstitué leurs capitaux propres avant l’expiration du délai initial de réduire leur capital au cours de cette nouvelle période de deux exercices, soit quatre exercices au total pour échapper à la sanction de la dissolution judiciaire.
Toutefois, l’extension du délai ne concerne que les sociétés dont le capital social est supérieur à un seuil règlementaire, fixé depuis le 25 juillet 2023[4] à :
– 1 % du total du bilan constaté lors de la dernière clôture pour les SARL et les sociétés par actions n’ayant pas de capital social minimum imposé (SAS notamment) ;
– la valeur la plus élevée entre 1% du total de bilan et le capital social minimum lorsqu’il est imposé (notamment les SA dont le capital ne peut être inférieur à 37.000 €).
Le nouveau dispositif prévoit en effet que la société qui n’a pas reconstitué ses capitaux propres dans le premier délai de deux exercices alors que son capital social excède le seuil réglementaire précité doit réduire son capital à un montant inférieur ou égal à ce seuil au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant l’échéance de ce premier délai.
Lorsqu’elle a ainsi réduit son capital sans pour autant que ses fonds propres aient été reconstitués et procède par la suite à une augmentation de capital, la société devra à nouveau réduire son capital à un montant inférieur ou égal au seuil réglementaire avant la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel a eu lieu cette augmentation.
Sont ainsi seules visés les sociétés dont le capital excède le seuil réglementaire. Pour l’ANSA, le texte est très clair même s’il ressort des travaux parlementaires que le législateur souhaitait une solution globale pour toute société.[5]
Or, malgré ces intentions, il résulte en effet du nouveau texte que les sociétés dont le capital social est déjà égal ou inférieur au seuil réglementaire ne sont pas concernées par le délai supplémentaire de deux exercices pour reconstituer leurs capitaux propres. Comme auparavant, ces sociétés doivent donc avoir régularisé leur situation à l’échéance du premier délai de deux exercices. Il semble toutefois que, à défaut de cette régularisation, elles n’encourent plus la sanction de la dissolution judiciaire[6]. Le nouveau texte ne prévoit en effet cette sanction que si le capital n’a pas été réduit à un montant inférieur ou égal au seuil réglementaire au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant le premier délai ou, comme auparavant, si les associés n’ont pas statué sur la dissolution dans les quatre mois de la constatation des pertes.
Désormais, les sociétés n’ayant pas reconstitué leurs capitaux propres à l’issue du premier délai de deux exercices échappent donc à la sanction de la dissolution judiciaire.
Cette sanction est reportée au terme des deux exercices suivant l’échéance de ce premier délai, si ces sociétés n’ont pas réduit leur capital au niveau ou en dessous du seuil règlementaire au cours de cette seconde période (sauf pour les sociétés dont le capital est déjà égal ou inférieur à ce seuil).
Dans tous les cas, le risque de sanction de dissolution judiciaire reste, comme auparavant, assez faible puisque, outre la nécessité d’une action d’un tiers justifiant d’un intérêt à agir, il est toujours prévu que le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser sa situation et qu’il ne peut pas prononcer la dissolution si cette régularisation a eu lieu au jour où il statue sur le fond.
[1] Art. L.223-42 C.com
[2] Art L.225-248 C.com pour les SA, applicable aux SAS sur renvoi de l’article L.227-1 c. com.
[3] Loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture. Entrée en vigueur le 11 mars 2023.
[4] Décret n° 2023-657 du 25 juillet 2023 fixant les seuils prévus aux articles L.223-42 et L.225-248 du code de commerce.
[5] ANSA, Comité juridique du 6 septembre 2023, n° 23-035
[6] ANSA, Comité juridique du 4 octobre 2023, n° 23-038