Règlement d’une prime de substitution à la prime de vacances BETIC : la vigilance est de mise.
Entrée en vigueur au 1er janvier 1988 à l’article 31 de la convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, la prime de vacances avait initialement pour but de compenser la diminution de rémunération durant les congés payés estivaux.
L’article 31 de la convention collective disposait :
« L’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés.
Toutes primes ou gratifications versées en cours d’année à divers titres et quelle qu’en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu’elles soient au moins égales aux 10 % prévus à l’alinéa précédent et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre. »
Retenant une lecture littérale, nombre d’entreprises appliquant la CCN des bureaux d’études techniques pensaient pouvoir s’exonérer du paiement de la prime de vacances, en versant une prime de substitution, si elles respectaient deux conditions :
- Être au moins égale aux 10 % de la masse globale des congés payés ;
- Une partie devait versée entre le 1er mai et le 31 octobre.
Erreur ; puisque très rapidement une foison de contentieux voyait le jour à ce sujet, la jurisprudence venant ainsi tempérer la notion de «?toutes primes ou gratifications?», jugeant notamment que ne pouvaient désormais plus substituer le paiement de la prime de vacances :
- Les titres-restaurants (soc.14 février 1995, n°91-43.963)
- La prime d’objectifs contractuelle (soc. 18 juin 2008, n°07-41.125)
- Le treizième mois (soc. 27 mai 1998, n°97-40.764 ; soc. 8 juin 2010, n°08-42.157)
Sur ce point, la jurisprudence précisait que le 13ème mois, lorsqu’il ne représentait qu’un tantième du salaire de base versé à un moment précis de l’année, ne pouvait pas constituer la prime de vacances prévue par la convention collective applicable (soc. 8 juin 2011, n°09-71.056, car il constituait un élément fixe de la rémunération annuelle (soc. 26 janvier 2017, 15-29.317) a fortiori, lorsqu’il était contractualisé (soc. 14 septembre 2022, n°21-14.943).
En d’autres termes, dès lors que le 13ème mois était considéré comme une modalité de paiement du salaire, il ne pouvait pas être qualifié de prime ou gratification de substitution à la prime de vacances (soc. 5 mai 2021, n°19-18.502 ; soc. 21 juin 2023, n°21-21.150).
Devant la multitude des arrêts rendus, les partenaires sociaux ont décidé en 2021 d’encadrer davantage les dispositions conventionnelles sur la prime de vacances.
Désormais, l’Article 7.3 « Prime de vacances » dispose :
L’employeur réserve chaque année l’équivalent d’au moins 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés acquis prévus par la convention collective, au paiement d’une prime de vacances à tous les salariés de l’entreprise. (1)
Dans le respect du principe d’égalité de traitement, et à titre indicatif, la répartition du montant global de la prime entre les salariés peut se faire, au choix de l’entreprise ou par accord d’entreprise :
- soit de façon égalitaire entre les salariés ;
- soit au prorata du salaire, avec, le cas échéant, une majoration pour enfant à charge;
- soit par la majoration de 10 % de l’indemnité de congés payés versée à chaque salarié ;
- soit, en cas d’embauche ou de départ de l’entreprise en cours d’année ou pour les salariés en contrat de travail à durée déterminée, au prorata du temps de présence dans l’entreprise sur la période de référence.
Toutes primes ou gratifications versées à l’ensemble des salariés en cours d’année à divers titres et quelle qu’en soit la nature, peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu’elles soient au moins égales aux 10 % prévus au présent article et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre. (1)
En revanche, ne peuvent se substituer au paiement de la prime de vacances :
- un 13e mois ;
- l’indemnité de précarité des enquêteurs vacataires prévue par l’article 53 de l’accord de branche du 16 décembre 1991 ? (annexe 4) ;
- une prime d’objectifs prévue par le contrat de travail. »
L‘affaire était donc entendue pour le 13ème mois et la prime sur objectifs contractuelle.
Et ce d’autant, que l’avenant n°46 de la convention collective, en date du 16 juillet 2021, a été étendu par arrêté du 5 avril 2023, entré en vigueur au 1er mai 2023. Les dispositions conventionnelles sur la prime de vacances sont donc opposables à l’ensemble des entreprises relevant de la branche.
Désormais, l’affaire est également entendue pour la part variable de la rémunération contractuelle.
En effet, dans une affaire très récente (soc.11 décembre 2024, n°22-23.302), la Haute Cour a censuré l’arrêt de la Cour d’appel, considérant que « sans rechercher si les bonus versés en 2011 et 2013 ne l’avaient pas été au titre de la part variable de la rémunération contractuellement prévue, de sorte qu’ils ne constituaient pas des primes ou gratifications au sens de l’article 31 de la convention collective, la cour d’appel n’ a pas donné de base légale à sa décision. »
Le bonus contractuel n’a donc pas réussi, lui non plus, à échapper aux fourches caudines du droit positif en matière de prime de vacances.
La vigilance est donc de mise pour tout employeur souhaitant mettre en place une prime de substitution à la prime de vacances.