Réparation du préjudice moral résultant d’une entente anticoncurrentielle
La décision de la Cour d’appel de Paris du 17 mai 2023 apporte un éclairage de plus en matière d’action en indemnisation du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle.
Dans l’affaire rapportée dans le présent article, l’Autorité de la concurrence avait sanctionné la société Univar Solutions à hauteur de 79 millions d’euros pour sa participation à une entente anticoncurrentielle dans le secteur de la distribution de produits chimiques.
La société Gaches Chimie a assigné par la suite la société Univar Solutions devant le tribunal de commerce de Paris en vue d’obtenir la réparation des préjudices subis en ses qualités de concurrente et de cliente de la société Univar Solutions, du fait de la participation de cette dernière à une entente.
Le tribunal de commerce a notamment condamné la société Univar à payer à Gaches Chimie :
- la somme de 260.505€ au titre de dommages et intérêts en sa qualité de cliente de la société Univar ; et
- la somme de 200.000€ au titre du préjudice moral.
La société Univar Solutions a alors interjeté appel.
La Cour d’appel vient de confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a débouté la société Gaches Chimie de ses demandes relatives à un dommage causé en sa qualité de concurrente de la société Univar Solutions.
En effet :
- l’activité de la société Gaches Chimie ne se trouvait pas dans une zone affectée par les pratiques illicites (de répartition de clientèle, de fixation de tarifs communs et de coordination tarifaire dans différentes zones géographiques) ;
- la société Gaches Chimie ne procède à aucune analyse de l’évolution de ses parts de marché, de son chiffre d’affaires, de ses volumes de vente ni de ses prix d’achat et par là-même de sa marge brute ou commerciale, avant, pendant et après les pratiques illicites ; et
- les différents scenarios établis par la société Gaches Chimie pour estimer son préjudice présentent des insuffisances et ne peuvent sérieusement asseoir l’existence d’un préjudice.
La cour d’appel infirme en revanche le jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a condamné la société Univar Solutions à verser à la société Gaches Chimie la somme de 260.505€ au titre de dommages et intérêts en sa qualité de cliente de la société Univar Solutions.
Les juges relèvent que les éléments versés aux débats et les explications fournies par la société Gaches Chimie sont insuffisants pour établir un préjudice.
En effet :
- le montant des achats de produits auprès d’Univar Solutions sur la période de 1999 à 2005, a représenté en moyenne moins de 2% du montant total de ses achats ;
- 78% des factures soumises par Gaches Chimie concernent des ventes en droiture par camions complets ou multi-compartimentés, alors que ce type de vente n’a pas été sanctionné par l’Autorité ; et
- la société Gaches Chimie prétend avoir subi une augmentation de tarif de près de 25 % sur l’ensemble de ses achats sans produire la moindre comparaison de tarifs avant et après la période litigieuse, se bornant à alléguer qu’il s’agit d’un pourcentage de majoration « généralement constaté en pareille situation ».
Bien que la société Gaches Chimie n’ait pas été en mesure de démontrer concrètement les effets dommageables des pratiques de l’entente anticoncurrentielle sur son activité, les juges retiennent que de telles pratiques de la part de sociétés représentant 80% de la distribution des commodités chimiques en France ont jeté un discrédit sur cette activité, y compris sur les acteurs du marché n’ayant pas participé à cette entente.
La cour d’appel confirme ainsi le jugement en ce qu’il a retenu l’existence d’un préjudice moral évalué à hauteur de 200 000€.