La question des contrats à durée déterminée d’usage (CDDU) est une nouvelle fois débattue devant la Cour de cassation. Il s’agit précisément pour la Haute Juridiction de se prononcer sur les conditions de validité des CDDU successifs dans le secteur du sport.
En l’espèce, l’entraîneur du SC Bastia, employé pendant 17 ans en contrat à durée déterminée à différents postes d’entraîneur et de formateur, demande une requalification de ces relations de travail en contrat de travail à durée indéterminée (CDI) auprès de la juridiction prud’homale.
L’entraîneur, débouté par la Cour d’appel de Bastia dans un arrêt confirmatif en date du 19 juin 2013, s’est pourvu en cassation.
Pour valider le mécanisme des CDDU successifs, la Cour d’appel retient que le salarié n’avait été investi que de fonctions sportives et n’avait pas occupé de fonctions de gestion liées à l’activité permanente du club. Les différentes embauches avaient été effectuées pour la durée d’une ou de deux saisons sportives et étaient nécessairement tributaires, au regard de leur renouvellement, des résultats obtenus par l’équipe. C’est donc « l’aléa sportif » qui, selon la Cour d’appel, faisait du poste d’entraîneur un emploi par nature temporaire et permettait ainsi le recours aux contrats à durée déterminée d’usage successifs.
La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 17 décembre 2014, vient censurer ce raisonnement.
Elle commence par rappeler le principe selon lequel il résulte bien des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du Code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains emplois peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et « du caractère par nature temporaire de ces emplois ».
Si le sport fait effectivement partie des secteurs d’activité pour lesquels l’employeur est susceptible de recourir au CDDU, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en œuvre par la directive 1999/ 70/ CE du 28 juin 1999, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié « par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ». Une disposition interprétée strictement par la Cour de cassation qui casse l’arrêt d’appel sur ce visa.
La Cour d’appel qui s’est déterminée « par des motifs inopérants tirés de l’aléa sportif et du résultat des compétitions, sans vérifier si […] l’utilisation des contrats à durée déterminée successifs était justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi, a privé sa décision de base légale ».
Il ressort de cette motivation que l’aléa sportif ne saurait suffire à lui seul à justifier le recours aux CDD d’usage. Les juges devront se prononcer au cas par cas, sur la base d’éléments concrets, afin d’établir le caractère par nature temporaire de l’emploi en question. L’aléa sportif du résultat des compétitions ne constituerait alors tout au plus, qu’un élément dans cette analyse.
Cet arrêt se place dans la continuité de la jurisprudence récente, plutôt stricte à l’égard de la reconnaissance des CDDU successifs. Un arrêt rendu par la cour d’appel de Reims le 10 septembre 2014, (n°13/01802) précise que le recours au contrat à durée déterminée d’usage nécessite que le sportif soit directement contraint de faire face aux aléas des résultats et de la saison sportive, et que cette situation ne concerne pas l’entraîneur adjoint qui doit voir ses relations de travail requalifiées en CDI. Dans cette nouvelle décision, la Cour de cassation semble restreindre encore un peu plus la sphère de validité des CDDU successifs dans le sport. Peu importe que l’entraîneur agisse à titre principal ou adjoint, il faudra observer concrètement si la reconduction de son emploi n’est liée qu’aux résultats sportifs ou si, à l’étude des éléments de l’espèce, le salarié occupe bien un poste permanent au sein du club sportif.
En l’espèce, le demandeur avait occupé pendant 17 ans des postes d’entraîneur et/ou de formateur pour plusieurs équipes de niveaux différents. Cette organisation interne pouvait laisser à penser que l’entraîneur avait bien un rôle permanent au sein du club. Ce sera néanmoins aux juges du fond de se prononcer sur la question, l’affaire étant renvoyée devant la Cour d’appel d’Aix en Provence.
Nous noterons enfin que cette solution en matière de sport s’aligne également sur celles rendues par plusieurs arrêts dans le secteur de l’audiovisuel. (Lien vers Netcom – Novembre 2014 et Cass. Crim. 11 mars 2014 – Pourvoi n°09-88073)
Arnaud OKRAJ
Téléchargez cet article au format .pdf
Confirmation en appel du statut d’éditeur d’un site de vente aux enchères et de parking de noms de domaine