Le 27 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une décision publiée au bulletin (Cass. soc., 27 sept. 2023, 21-25973), portant sur la prescription en matière de résiliation judiciaire.
Le 26 mars 2015, une salariée avait saisi le conseil de prud’hommes en résiliation judiciaire de son contrat de travail reprochant à l’employeur de ne pas avoir organisé une visite médicale de reprise. En effet, l’employeur avait été informé du classement en invalidité 2e catégorie de la salariée comme en attestait son courrier du 23 février 2009 et n’avait pourtant pas organisé de visite de reprise conformément à ses obligations. Le contrat avait par la suite été suspendu, et, 6 ans plus tard, la salariée avait saisi le conseil de prud’hommes de cette action en résiliation judiciaire du contrat.
La cour d’appel avait jugé cette demande irrecevable car prescrite. Elle avait déterminé le point de départ de l’action en résiliation judiciaire comme étant la date du courrier de l’employeur du 23 février 2009 permettant de déterminer sa connaissance du classement en invalidité de la salariée. Or, selon la cour d’appel, l’employeur est tenu d’organiser une visite de reprise dès que le salarié l’informe de son classement en invalidité. En effet, il a déjà été jugé que dès lors que le salarié informe son employeur de son classement en invalidité 2e catégorie, sans manifester sa volonté de ne pas reprendre le travail, il appartient à l’employeur de faire procéder à une visite de reprise (Cass. soc., 25 janv 2011, 09-42766 ; Cass. soc., 1er févr. 2012, 10-20732) que le salarié ne soit plus en arrêt de travail postérieurement à son classement (Cass. soc., 25 mai 2011, 09-71548) ou qu’il le soit encore (Cass. soc., 23 sept 2020, 18-26481).
La cour d’appel avait donc considéré que l’action en résiliation judiciaire était prescrite puisque plus de 6 ans s’étaient écoulés depuis la date du courrier envoyé par l’employeur, dépassant ainsi le délai de prescription de 5 ans applicable à la date des faits.
Dans l’arrêt ici commenté, la Cour de cassation reprend d’abord les termes de l’article L1231-1 du code du travail selon lequel « le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié ou d’un commun accord ». Elle rappelle ensuite que la résiliation judiciaire du contrat est conditionnée par le fait que le salarié la justifie « en raison des manquements de son employeur, suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail ». En outre, elle cite une de ses précédentes décisions en date du 30 juin 2021 (19-18.533) dans laquelle elle avait jugé que, saisi d’une demande de résiliation judiciaire, le juge doit « examiner l’ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté ».
Puis, cassant la décision de la cour d’appel, la Cour de cassation en conclut que :
« l’action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite tant que ce contrat n’a pas été rompu, quelle que soit la date des faits invoqués au soutien de la demande. »
Pour demander la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l’employeur, le salarié peut donc invoquer toutes les fautes commises par son employeur depuis le début de l’exécution du contrat de travail tant que le contrat n’a pas été rompu.
En revanche, cela ne signifie pas pour autant que l’ancienneté des faits est indifférente puisqu’elle doit être prise en compte pour apprécier si les manquements sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.