Une vente aux enchères publiques était organisée par un commissaire-priseur pour présenter notamment un tableau attribué à Juan Gris, sans qu’aucune réserve n’apparaisse, sous le titre de « nature morte aux flacons ».
Le titulaire du droit moral de Juan Gris a fait pratiquer une saisie-contrefaçon faisant valoir que de nombreuses raisons permettaient de mettre en doute son authenticité, et notamment la faiblesse du prix, l’absence de consultation du légataire universel du fils de l’auteur ainsi que les conditions douteuses d’acquisition aux puces, la reproduction de ce tableau qualifié de faux dans le catalogue raisonné d’un historien spécialiste de cet auteur et l’existence d’une procédure pour escroquerie engagée contre le père de la propriétaire. Il a ensuite assigné la propriétaire du tableau et le commissaire-priseur en contrefaçon et en responsabilité civile.
La propriétaire du tableau a produit un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris en 1979 ayant relaxé son père des chefs d’escroquerie et de fraude en matière artistique. La Cour y avait précisé que « la fausseté de ces œuvres – visant notamment le tableau nature morte attribué à Juan Gris – n’était pas plus démontrée que leur caractère authentique ». Or la décision de la juridiction pénale qui acquitte un prévenu établit à l’égard de tous l’inexistence de l’infraction poursuivie. Le titulaire du droit moral rappelle qu’il y avait divergence d’opinion entre les experts, puisque pour certains l’authenticité de l’œuvre était acquise alors que pour d’autres il s’agissait d’un faux. Ce dernier n’ayant toutefois invoqué aucun élément nouveau depuis l’arrêt de 1979, il n’a pu rapporter la preuve de la fausseté du tableau litigieux. Dès lors la Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a jugé que le tableau ne constituait pas une reproduction illicite.
En revanche, la Cour de cassation a accueilli le deuxième moyen du pourvoi qui reprochait à la Cour d’appel d’avoir rejeté la demande de dommages-intérêts formée contre la propriétaire du tableau et le commissaire-priseur. En effet le tableau était présenté à la vente sans la moindre réserve, alors que son authenticité était douteuse du fait des divergences relevées. La Cour de cassation a ainsi estimé que la Cour d’appel aurait dû rechercher si la responsabilité du propriétaire et du commissaire-priseur n’était pas engagée à l’égard du titulaire du droit moral, du seul fait, distinct de la contrefaçon, d’avoir présenté à la vente, sans la moindre réserve un tableau dont l’authenticité douteuse était constatée en raison des opinions divergentes relevées.
Cette décision ne peut qu’inciter les maisons de vente à la prudence dans la présentation des œuvres dont l’authenticité a fait l’objet de prises de position contradictoires.
Eve PIWNICA
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