CE, 5 févr. 2024, n° 469771, Société Axa Group Opérations
Dans l’affaire soumise au Conseil d’Etat, un contribuable avait été détaché par son employeur suisse pour une période de trois ans (2011-2014) afin d’occuper le poste de directeur général auprès de la filiale française. Ce poste, à temps plein, impliquait la direction, la supervision et la gestion de multiples filiales. L’intéressé effectuait des déplacements professionnels à l’étranger et travaillait occasionnellement à distance depuis la Suisse où résidait sa famille. Considérant cet employé comme un résident fiscal suisse au sens de la convention franco-suisse, la société française a effectué une retenue à la source sur les salaires versés, en limitant cependant l’assiette aux rémunérations versées au titre des périodes pendant lesquelles l’intéressé exerçait ses fonctions en France. L’administration fiscale française, estimant que la retenue à la source aurait dû être appliquée sur la totalité des salaires, a exigé des cotisations supplémentaires de retenue à la source de la part de la société.
Les tribunaux ont confirmé la position de l’administration fiscale, considérant que les salaires versés étaient la rémunération de fonctions de direction effectives qui devraient être considérées comme exécutées quotidiennement en France, même si l’employé n’était pas physiquement présent sur le territoire français chaque jour.
La société a contesté cette interprétation, invoquant un partage de l’imposition des salaires entre la France et la Suisse conformément à la convention fiscale franco-suisse, selon laquelle les revenus d’emploi sont imposables dans l’État où l’emploi est réellement exercé.
Le Conseil d’Etat remet les pendules à l’heure et contredit les parties au litige en jugeant que les salaires versés à une personne qui exerce en France une activité professionnelle à titre non accessoire et a, de ce fait, son domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B du CGI ne peuvent être soumis à retenue à la source de l’article 182 A du CGI même si le bénéficiaire peut être considéré comme résident d’un autre Etat en vertu d’une convention fiscale bilatérale.
Est ainsi infirmée la doctrine administrative selon laquelle la notion de «?résident?» appréciée au sens des conventions se substitue à celle de «?domicile fiscal?» résultant des dispositions de l’article 4 B du CGI pour l’application des retenues à la source (BOI-INT-DG-20-10-10 n° 50). Cette doctrine, qui n’était pas invoquée par le contribuable, n’est pas rapportée et demeure opposable.
L’application de la retenue à la source prévue à l’article 182 A du CGI étant écartée, le prélèvement à la source sous forme de retenue devrait être, logiquement, applicable (CGI, art. 204 A et 204 D).
On remarquera que selon les conclusions du rapporteur public, M. Romain Victor, l’activité du dirigeant devait être considérée comme exercée en France dans sa totalité, quel que soit le nombre de déplacements professionnels. Ce point mériterait sans doute d’être confirmé au regard des dispositions de l’article 17 de la convention franco-suisse (salaires, traitements et autres rémunérations similaires) qui prévoit le principe classique d’imposition des rémunérations dans l’Etat d’exercice de l’emploi.