Révocation de dirigeants et force des pactes. La révocabilité ad nutum des dirigeants sociaux ne peut ignorer le contenu d’un pacte d’associés par la seule référence aux statuts
Cass. Com. 18 Sept 24 n°22-23.075 F-D, Sté Lu Azur c/X
Les associés à l’origine de la révocation d’un Président de SAS qui font l’économie des stipulations du pacte d’associés engagent leur responsabilité à l’égard de ce dernier.
Aux termes d’un pacte d’associés conclu en 2017 et liant trois sociétés associées d’une SAS « Aigle Azur » (les associés « 1, 2 et 3 »), le mode de révocation du président de cette SAS nécessitait une décision préalable du comité exécutif.
L’associé « 3 » céda par la suite en 2017 toutes ses actions de la SAS à un tiers, la société « 4 ».
Ultérieurement, en 2019, le dirigeant de l’associé « 1 » notifiait sa révocation au président de la SAS.
À la demande de celui-ci, une cour d’appel retient la responsabilité de l’associé « 1 » et de son dirigeant, considérant que le pacte d’associés requerrait une décision préalable du comité exécutif de la SAS et qu’en l’absence de celle-ci les intéressés avaient mis en œuvre une décision illégale de révocation et de nomination d’un nouveau président.
Ces derniers rétorquèrent que les conditions et modalités de révocation du président ne pouvaient pas être appréciées exclusivement en vertu du pacte d’associés : selon eux, référence devait d’abord être faite aux statuts de la SAS quant à ces conditions et modalités ; en outre, ils invoquaient le fait que le pacte était dénué de valeur par rapport à la société « 4 », qui ne l’avait pas signé (le contrat ne créant d’obligations qu’entre les parties, soit l’effet relatif des contrats).
Logiquement, la Cour de cassation ne retient pas ces arguments et, constatant l’absence de décision prise par le comité exécutif de révoquer le Président, comme le prévoyait le pacte d’associés, confirme que la société « 1 » et son dirigeant pouvaient être condamnés in solidum à verser des dommages-intérêts au président révoqué.
Rappelons que les conditions selon lesquelles une SAS est dirigée est librement fixée par ses statuts.
De ce fait, les conditions de révocation d’un dirigeant de SAS dépendent de la rédaction statutaire, tant en ce qui concerne les motivations (éventuelles) de la révocation que les modalités de la révocation et la « procédure ».
Au-delà de la nécessaire référence aux statuts de la SAS pour les sujets de gouvernance, la Cour de cassation a également admis que des actes extrastatutaires pouvaient valablement compléter ceux-ci, mais sans pour autant y déroger.
Cet arrêt confirme le courant jurisprudentiel permettant d’asseoir la sécurité juridique du contenu des pactes d’associés, dans la mesure où ils ne contredisent pas les statuts sur les sujets de gouvernance.
L’arrêt s’intéresse aussi au sujet récurrent et parfois épineux de l’opposabilité du pacte aux tiers. Sans que cela ne soit une entorse au principe de l’effet relatif des conventions, les pactes sont opposables aux tiers, toutes choses égales par ailleurs.
Ainsi, la responsabilité du dirigeant de la société « 1 », bien que non personnellement partie au pacte, a pu être retenue.
Toutefois, la société cessionnaire des titres « 4 » qui n’était pas non plus signataire du pacte ne voit pas sa responsabilité engagée du fait de l’inexécution de celui-ci.
A titre d’illustration de la relative porosité des contrats avec les tiers, la jurisprudence a reconnu en matière de pactes d’associés qu’un tiers au contrat pouvait invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui causait un dommage.